Fausta Vaincue
s’agit pas de votre présence aux états généraux, interrompit le roi qui avait l’obstination froide, terrible et parfois cruelle. Il s’agit de votre présence ici, chez moi, chez le roi ! Qu’y venez-vous faire ?…
Ces paroles étaient effrayantes. La situation l’était plus encore. Guise, éperdu, balbutia quelques paroles confuses. Son frère le cardinal lui marcha rudement sur le pied, d’un air qui voulait dire :
« Qu’attendez-vous ? Dégainons, morbleu !… »
L’angoisse qui pesait sur cette scène d’une terrible violence dans le calme apparent des personnes fut portée à son comble par ces paroles qu’Henri III, plus nasillant que jamais, ajouta tout à coup :
– En tout cas, j’ai pu voir que vous êtes venu en bonne et nombreuse compagnie. Peste ! je vous en fais mon compliment. A nous voir l’un et l’autre, des gens peu au fait de vos intentions et des réalités pourraient croire que je ne suis presque plus roi et que vous êtes déjà presque roi.
– Sire… intervint la reine mère.
– Laissez, madame !… Par les saints, il y a ici un roi ; il n’y a qu’un roi ; et quand le roi parle, tout le monde doit se taire, même vous, madame !… Mon cher cousin, je vous faisais donc compliment sur votre escorte. Mais, dites-moi, il me semble qu’il y manque quelqu’un…
– Qui cela sire ? dit le duc de Guise en devenant livide.
– Mais… le moine qui devait m’occire en la cathédrale de Chartres. L’avez-vous donc oublié à Paris ?…
Ces paroles éclatèrent comme un coup de tonnerre. Un sourd grondement de mort, précurseur de la tempête, parcourut les gentilshommes royalistes. Chalabre tira à demi sa rapière. Le comte de Loignes tira tout à fait sa dague et se mit à se curer les ongles avec la pointe, en fixant sur Guise un regard de vengeance féroce…
Déjà le duc de Guise se tournait vers la porte. Déjà il allait pousser le cri de rescousse, et qui peut savoir ce qui se fût alors passé ?… lorsque tout à coup, Catherine de Médicis, allongeant son bras maigre, laissa tomber ces mots, de cette voix de suprême autorité dont elle usait bien rarement :
– Messieurs de Lorraine, écoutez-moi, écoutez la reine !… Le roi veut bien que je parle. N’est-ce pas que vous le voulez, mon fils ?
– Par Notre-Dame, gronda Henri III, j’ai donné le coup de boutoir, tâchez de le recoudre, si cela vous convient… Parlez, madame, on vous écoute !
Les personnages qui assistaient à cette scène demeurèrent figés dans l’attitude qu’ils venaient de prendre. Seul le duc de Guise fit un demi-tour vers la reine mère. Alors Catherine de Médicis continua :
– Monsieur le duc, vous ignorez sûrement que nous avons découvert à Chartres un complot contre Sa Majesté ; un moine, en effet, un moine s’était vanté de frapper le roi… mais Dieu veille sur le fils aîné de l’Eglise… le complot avorta… Toujours est-il que ce moine, pour pénétrer dans Chartres, s’était glissé à votre insu dans les rangs de la grande procession… C’est cela que Sa Majesté a voulu dire…
– J’ignorais, en effet, balbutia le duc, qu’il pût y avoir dans tout le royaume un être assez criminel, assez insensé pour oser porter la main sur la personne royale…
– Maintenant, reprit Catherine avec son plus gracieux sourire, le roi ayant accordé audience à notre cher cousin, lui demande simplement quel est le but spécial de cette audience… Sa question n’a pas d’autre portée.
Guise regarda Henri III, qui, craignant d’avoir été trop loin et de n’être pas en mesure de sortir d’un mauvais pas, fit un signe de tête affirmatif. Une détente se produisit aussitôt dans l’assemblée : on comprit que le roi venait de reculer. Loignes, ayant terminé sa petite besogne, rengaina sa dague. Mayenne poussa un soupir qui pouvait à la rigueur passer pour le mugissement d’un bœuf. Le cardinal de Guise eut un pâle sourire. Le roi se renversa dans son fauteuil, croisa sa jambe droite sur sa gauche, et bâilla.
– Sire, dit alors Guise d’une voix raffermie, et vous, madame et reine, l’audience que Votre Majesté a bien voulu nous accorder a en effet un but spécial. Je suis venu non pas à Blois, mais précisément au château de Blois. Je suis venu non pas aux conférences, mais justement chez Sa Majesté. Et si j’ai prié mes deux frères de m’accompagner, si j’ai invité tout ce que je
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