Fausta Vaincue
cinquante gentilshommes armés en guerre. Une compagnie de suisses occupait la cour carrée. Le grand escalier était plein de seigneurs royalistes dont le sombre visage annonçait qu’ils n’attendaient rien de bon de l’arrivée du duc. Toutes les autres cours et les autres escaliers du château étaient occupés par des gens d’armes, archers, arquebusiers et mousquetaires. Enfin, toutes les précautions avaient été prises pour « recevoir dignement notre aimé et féal cousin de Lorraine », avait dit Catherine de Médicis.
Dans le salon lui-même, une vingtaine de gentilshommes attendaient, silencieux et les yeux fixés sur le roi. Dans un coin, Catherine de Médicis, causant avec son confesseur, contrastait par sa sérénité et sa gaieté avec toute cette sombre impatience.
– Où est Biron ? est-il de retour ? fit tout à coup Henri III, après avoir jeté pour la vingtième fois un regard par cette fenêtre d’où il apercevait le porche et, au-delà du porche grand ouvert, une belle place où Crillon, en ce moment, achevait de ranger trois compagnies de gardes.
– Sire, me voici, fit le maréchal de Biron.
Armand de Gontaut, baron de Biron, était alors âgé de soixante-quatre ans : mais il portait encore la cuirasse avec une facilité que lui enviaient de plus jeunes.
Il avait mieux que la force : il avait la fierté paisible d’un honnête homme. Catholique, il avait fait partie de cette faible minorité de vaillants qui avaient essayé de s’opposer aux massacres de la Saint-Barthélémy. C’est ainsi qu’en sa qualité de grand maître de l’artillerie, il avait pu soustraire, à l’Arsenal où il était logé, une quarantaine de malheureux huguenots à l’horrible soif des buveurs de sang.
– Ah ! te voilà, mon vieux brave ! dit Henri III. Je craignais que tu ne fusses pas ici aujourd’hui, car je t’avais donné congé pour huit jours…
– Oui, mais j’ai appris l’arrivée de M. le duc. Peste, sire, je n’aurais eu garde de manquer une si belle occasion de lui présenter mes respects !… Je suis revenu d’Amboise tout d’une traite…
Le roi se mit à rire, les gentilshommes éclatèrent, et Catherine murmura à son confesseur :
– Allons, voici l’enfant qui reprend courage !
– Et, sire, vous voyez que je suis arrivé à temps…
En effet, à ce moment même, une rumeur montait de la cour carrée : c’était un bruit de chevaux qui passaient sous le porche, un cliquetis d’armes et d’éperons de cavaliers mettant pied à terre… Henri III pâlit. Mais on peut dire que c’était la rage contenue plus encore que la crainte.
– Comte de Loignes, dit-il d’une voix altérée, voyez donc ce qui se passe dans la cour.
Il le savait très bien. Il devinait que c’était Guise qui arrivait. Et avant d’avoir reçu aucune réponse, il se dirigea vers un grand fauteuil placé sur une estrade et formant trône. Il s’y assit et, d’un geste rageur, enfonça son chapeau sur son front.
– Sire, s’écria Chalabre qui s’était précipité à la fenêtre en même temps que Loignes, c’est M. le duc de Guise, que Dieu le tienne en sa garde !
– A moins que le diable ne l’emporte ! murmura Montsery près du roi.
– Ah ! fit Henri III d’un ton d’indifférence si parfaitement jouée qu’il stupéfia jusqu’à sa mère… Tiens ! le duc de Guise ?… Et que peut-il venir faire céans ?…
– Nous allons le savoir, sire, car le voici qui monte le grand escalier…
C’était vrai. Dans le grand escalier, on entendait la rumeur confuse d’une foule qui monte. Cette foule, c’était toute l’escorte du duc qui l’accompagnait jusqu’à la porte du roi… Il y avait là une menace qui n’échappa point à Crillon… Celui-ci donc s’était mis à marcher devant le duc de Guise, sous prétexte de lui faire honneur. Arrivé devant la porte du salon, il se tourna vers les gentilshommes guisards et dit :
– Monseigneur, monsieur le duc de Mayenne, monsieur le cardinal, le roi m’a chargé de vous faire savoir qu’il vous accorde audience. Quant à vous, messieurs, veuillez attendre…
– Quoi ! gronda Bussi-Leclerc, sur l’escalier !…
– Où vous voudrez ! fit Crillon en fronçant les sourcils.
– La paix, Bussi ! dit le duc de Guise. Messieurs, veuillez m’attendre… Monsieur de Crillon, puisque Sa Majesté daigne nous recevoir, nous sommes prêts à vous suivre.
L’escorte demeura donc
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