Fausta Vaincue
ornements sacerdotaux, attendait Sa Majesté.
Le roi mit pied à terre devant l’église où il entra aussitôt toujours silencieux, et suivi par cette foule non moins silencieuse. Guise marchait près de lui, un peu en arrière.
En un instant, la cathédrale se trouva remplie. Le roi et Guise marchèrent jusqu’au maître-autel. Le curé doyen de la cathédrale s’agenouilla alors, entouré de ses vicaires, fit une courte oraison. Puis il monta les degrés de l’autel, ouvrit le tabernacle, découvrit l’ostensoir d’or enrichi de pierres précieuses, et, tandis que les prêtres entonnaient le
Tantum ergo,
il se retourna en soulevant l’emblème dans ses mains levées.
Toute l’assistance était tombée à genoux ; le roi avait le premier donné l’exemple et se frappait la poitrine avec une ferveur qui, à en juger par la violence des coups de poing qu’il s’administrait au cœur, devait lui attirer sans aucun doute des indulgences toutes spéciales. Enfin l’ostensoir ayant été exposé sur l’autel, le roi se releva.
– Mais, dit-il, je ne vois pas le saint Evangile. Pour un serment de cette importance, le livre sacré ne sera pas de trop à côté du très Saint-Sacrement…
Le curé doyen se hâta d’obéir et, près de l’ostensoir, exposa le volume tout ouvert sur son pupitre après l’avoir découvert de l’enveloppe de velours qui le protégeait. Le roi alors regarda fixement le duc de Guise. Celui-ci, d’un pas ferme, monta les degrés de l’autel et étendit la main droite. Un silence de mort s’étendit sur toute la cathédrale.
– Sur l’Evangile et le Saint-Sacrement, dit le duc d’une voix que tout le monde put entendre, tant en mon nom qu’au nom de la Ligue dont je suis lieutenant général, je jure réconciliation et parfaite amitié à Sa Majesté le roi…
Henri III qui jusque-là avait conservé un doute rayonna de joie, et montant à son tour, il étendit la main et dit :
– Sur l’Evangile et le Saint-Sacrement, je jure réconciliation et parfaite amitié à mon féal cousin duc de Guise et à messieurs de la Ligue…
Alors des vivats éclatèrent parmi les royalistes, tandis que les gentilshommes guisards demeurèrent sombres et silencieux. Le roi tendit la main au duc qui, profondément, s’inclina. La réconciliation était scellée !…
Radieux et réellement délivré des noirs soucis qui l’avaient accablé, Henri III ordonna à Crillon et à ses gentilshommes de rentrer au château séance tenante. Il lui fallut répéter l’ordre deux fois. Mais force fut bien à Crillon d’obéir, et le roi demeuré seul parmi les guisards :
– Messieurs, dit-il, puisque nous sommes réconciliés, il n’y a plus ni ligueurs ni royalistes ; il n’y a ici qu’un roi plein de confiance en ses gentilshommes.
– Vive le roi ! crièrent les guisards avec plus de politesse que d’enthousiasme.
– Monsieur le duc, reprit Henri III, veuillez m’accompagner au château avec quelques-uns de ces messieurs. Quant à vous, monsieur le cardinal, et vous monsieur de Mayenne, vous rejoindrez votre bien-aimé frère à l’heure du dîner, je vous veux tous à ma table, ce soir, et morbleu, nous célébrerons ce beau jour comme la plus belle victoire de notre règne !…
– Vive le roi ! répétèrent les guisards, tandis qu’Henri III s’éloignait escorté par Guise et une vingtaine de ligueurs.
Lorsqu’ils furent partis, le cardinal de Guise, d’un geste, retint dans la cathédrale quelques gentilshommes qui, sur un mot de lui, se glissèrent rapidement parmi les ligueurs dont le flot s’écoulait, morne et désespéré comme d’une trahison. De ces allées et venues, il résulta qu’environ deux cents des principaux guisards demeurèrent dans la cathédrale dont toutes les portes furent soigneusement fermées. Lorsqu’on se fut assuré qu’il ne restait plus dans l’église personne qui ne fût affilié, le cardinal prononça ces mots :
– Messieurs, vous avez entendu le duc mon frère.
Des cris, des grondements furieux l’interrompirent aussitôt.
– C’est une infâme trahison !
– Il ne devait jurer qu’en son nom !
– Il sera condamné comme Valois !…
Le cardinal souriait en homme sûr de son effet, heureux de cette explosion de fureur. Quand la tempête se fut calmée, il reprit :
– Je vois, messieurs, que vous avez mal entendu le duc mon frère. Il a juré amitié parfaite et réconciliation, oui,
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