Fausta Vaincue
négligeable si on parvenait à s’emparer de Crillon… les soldats dont la paye était d’ailleurs fort arriérée, et qui, selon le rapport de Maurevert, avaient déjà failli se mutiner.
C’est de ces diverses choses que causait Guise pendant sa dernière journée de marche. Il était entouré à ce moment de huit ou dix de ses plus intimes qui formant peloton marchaient en avant du gros de l’escorte. Et peu à peu, dans ce groupe d’intimes, une sélection s’était faite, en sorte que le duc avait fini par se trouver en avant, entre Bussi-Leclerc et Maineville ses inséparables, ceux pour qui il n’avait rien de caché.
Le gros duc de Mayenne venait vers le milieu de l’escorte, et s’enquerrait déjà des gîtes qu’on pouvait trouver à Blois et de la possibilité de faire bonne chère. Le cardinal était en queue, causant avec les plus intelligents de la bande. Ainsi, des trois frères, l’un occupait les soudards, l’autre intéressait les goinfres, et le troisième réunissait autour de lui les politiques.
Dans le petit clan que formaient le duc et ses deux fidèles agents, il était tout naturellement question de Pardaillan.
– Enfin, disait Maineville, nous voilà débarrassés du quidam. Mais pour mon compte, j’en éprouve quelque regret. La noyade fut trop douce pour lui…
– C’est vrai, renchérit Bussi-Leclerc, et quant à moi, j’eusse éprouvé quelque plaisir à lui rendre…
– La leçon d’escrime qu’il te donna ? fit Maineville en riant.
– Non, pardieu ! Cela, je le lui ai rendu… Ne te rappelles-tu pas que je le désarmai dans la Bastille ?
– Je n’y étais pas… ainsi…
– Mais Maurevert y était !… Est-ce vrai, Maurevert ?
– Parfaitement vrai, fit Maurevert qui marchait derrière Guise. Tu lui fis sauter l’épée des mains par trois fois, et le truand dut s’avouer vaincu…
Bussi-Leclerc eut un geste de vive satisfaction et remercia Maurevert d’un regard.
« Bon ! pensa Maurevert, en voilà un qui pourra me servir mieux qu’il ne pense ! »
On arrivait au village de Villerbon…
– Allons, messieurs, dit Guise d’une voix sombre, ne parlons plus des morts…
Il songeait à Violetta… Un soupir étouffé gonfla sa poitrine. Puis, secouant la tête comme pour vraiment ne plus songer aux morts :
– Bussi, pique donc un galop jusqu’à ces cavaliers que tu vois là-bas, et sache ce qu’ils veulent.
Sur la place de l’Eglise dans le village, une soixantaine de cavaliers, en effet, étaient arrêtés… mais Bussi-Leclerc n’eut pas le temps d’exécuter l’ordre qu’il venait de recevoir. Les cavaliers venaient d’apercevoir la troupe de Guise et galopaient à sa rencontre. Un instant Guise se troubla et sa main descendit jusqu’à la poignée de fer de sa rapière. L’idée qu’Henri III lui avait ménagé un guet-apens passa dans son esprit comme un éclair. Mais il se rassura aussitôt. Les cavaliers étaient sur lui et criaient :
– Monseigneur, vous êtes le bienvenu !…
C’était une troupe de gentilshommes députée par les seigneurs assemblés dans Blois pour aller à sa rencontre, le saluer et l’assurer de toute fidélité… Guise rayonna, et comme ces gentilshommes se mêlaient à ceux de son escorte, il leur rendit salut pour salut et s’écria :
– Maintenant, messieurs, j’ai une escorte royale…
Le mot était peut-être dit sans intention. Mais il courut de bouche en bouche jusqu’aux derniers rangs de la cavalcade, et chacun y vit clairement les intentions secrètes du duc… Quoi qu’il en soit, ce fut donc à la tête de cette compagnie ainsi renforcée que le Balafré traversa Villerbon. Il prit alors un trot allongé, et comme midi sonnait, toute cette cavalcade parut en vue de Blois.
A ce moment, le roi de France, pâle et nerveux, se trouvait dans l’appartement qu’il occupait au premier étage du château, appartement que nous aurons à décrire bientôt. Pour le moment, disons seulement qu’il y avait là un vaste salon qui s’ouvrait sur un grand escalier. Cet escalier lui-même donnait sur une terrasse qui s’appelait la Perche aux Bretons.
Henri III, avec une agitation qui contrastait avec son indolence habituelle, allait et venait, s’approchait souvent d’une fenêtre d’où il pouvait voir la cour carrée et le porche majestueux du château.
Henri III attendait le duc de Guise !…
Sur la terrasse de la Perche aux Bretons, il y avait
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