Fausta Vaincue
respira plus librement.
– Tu vois ! fit-elle avec un morne désespoir, c’est la fin qui approche…
Maurevert contemplait cette scène avec une sombre curiosité. Ce mal qui saisissait la vieille reine, juste à ce moment où d’effroyables tragédies étaient dans l’air, où sur la ville de Blois endormie parmi les brouillards les fantômes de meurtre et les génies de bataille éployaient leurs ailes silencieuses, cette scène imprévue était faite pour frapper.
La reine, peu à peu, revenait à elle et reprenait cette énergie de vitalité qui étonnait chez cette femme aussi usée par plus d’un demi-siècle de luttes terribles, renouvelées chaque jour avec, de distance en distance, des coups de tonnerre, comme la mort d’Henri II, la Saint-Barthélémy, la mort de Charles IX, la fuite d’Henri III…
– Ruggieri, dit-elle, est-ce que je vais mourir ? Dis-le sans crainte…
– Non ! fit l’astrologue. Non, madame, rassurez-vous. La mort n’est pas encore dans ce château…
– As-tu consulté les astres, comme je t’avais prié de le faire ?
– Je vous affirme que vous n’êtes pas à la fin, dit Ruggieri. Votre horoscope est formel là-dessus.
– Je te crois, reprit la reine, qui sentait la vie lui revenir. Ce n’est encore qu’une alerte. Mais je suis bien faible. Ce cordial que tu devais me composer et pour lequel tu m’as demandé la septième pierre de mon talisman ?
– Vous l’aurez demain, ma reine, demain à la première heure.
Catherine se tourna alors vers Maurevert, qui pendant toute cette scène était demeuré immobile et silencieux.
– Eh bien, monsieur, dit-elle, vous pouvez parler maintenant…
Maurevert commença son rapport qui dura une heure environ et que Catherine écouta la tête dans les deux mains, sans donner le moindre signe d’étonnement ou d’émotion. Quand Maurevert se tut, elle releva lentement la tête et dit :
– Ruggieri, es-tu sûr que je puis vivre encore jusqu’au 23 décembre ?
– Je jure à Votre Majesté que cette année-ci mourra avant elle, dit l’astrologue.
– Bon ! fit-elle avec un pâle sourire, tu me donnes huit jours de plus que je ne demandais… Allez, monsieur de Maurevert, suivez Ruggieri. Vous serez bien caché là où il vous mettra, et vous y resterez autant que vous croirez devoir le faire. Quand vous vous en irez, ne partez pas sans me revoir.
La reine rentra dans sa chambre et se remit au lit avec les premiers symptômes de la fièvre. Maurevert suivit Ruggieri qui lui fit monter des escaliers interminables et parvint enfin dans les combles. L’astrologue conduisit son compagnon jusqu’à une chambre fort spacieuse et fort bien meublée.
– On vous apportera vos repas ici, dit-il. Voici sur ce rayon des livres, dans cette armoire quelques flacons de bon vin. Le jour, vous aurez encore pour vous distraire cette fenêtre d’où l’on voit la Loire et le Cosson, les bois de Chaumont et Riessy et la forêt de Boulogne. Mais faites attention que qui regarde peut être regardé…
Maurevert remercia son hôte, l’assura que les paysages le laissaient indifférent, qu’il ne toucherait pas aux livres, et qu’il se contenterait de tenir compagnie aux flacons de bon vin. C’est ainsi que Maurevert fut installé dans l’appartement de Ruggieri.
Le lendemain, l’astrologue descendit pour prendre des nouvelles de la reine, qui ne se ressentait plus, en apparence du moins, de sa crise nocturne. En remontant chez lui, Ruggieri rencontra Crillon qui l’aborda poliment, le salua, et lui dit :
– Monsieur le nécroman, vous souvient-il, soit dit sans vous les reprocher, de quelques menus services que je fus heureux de vous rendre en diverses occasions ?…
– Oui-da, fit l’astrologue. Serais-je assez heureux à mon tour pour que vous ayez besoin de moi ?
– Justement, mon digne souffleur. Et j’avoue que je vous cherchais…
– De quoi s’agit-il ?…
– Voici. Pour des raisons que vous saurez plus tard, mais qui concernent le service et la sûreté du roi, j’aurais besoin de cacher pour quelques jours dans le château un homme à moi… un mien parent. Comme je sais que vous vivez retiré et que nul ne vient vous déranger, j’avais pensé que votre appartement ferait justement l’affaire…
Ruggieri fut étonné, mais ne manifesta pas son étonnement, et il se contenta de penser :
« Bon. Je mettrai auprès de Maurevert le parent du brave Crillon, et
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