Fausta Vaincue
retentissait seule dans ce silence, avait on ne sait quoi de solennel et de funèbre. Le Balafré continua :
– L’attaque se fera sur trois points ; il y aura donc trois corps d’attaque : un sous les ordres du cardinal, un autre dirigé par Mayenne, et le troisième commandé par moi. Lorsque chacune de vos compagnies seront réunies à huit heures du soir, vous saurez avec quel corps chacun de vous devra marcher. Voilà, messieurs, dans ses lignes principales, le plan d’attaque dont j’espère que nous verrons l’entière exécution dans le château…
Et avec une sorte d’ironie plus funèbre :
– L’exécution de ce plan nous a été inspirée par ce fait que les clefs du château sont en notre pouvoir tous les soirs. Il n’y aura donc qu’à entrer… et…
– Tuer ! dit violemment Bussi-Leclerc… Tuer tout !… Mort du diable ! la belle tuerie que nous allons avoir !
Maurevert avait assisté à toute cette scène, avait tout vu, tout entendu. Aux derniers mots du Balafré, il comprit que la conférence allait être terminée. Il remit donc en place la brique qu’il avait dérangée, s’enveloppa de son manteau et s’éloigna rapidement. Dans le vestibule, il eut à donner pour sortir un mot de passe qui n’était pas celui qu’on donnait pour entrer.
La rue était libre. Maurevert regagna en courant son hôtellerie où il entra sans réveiller personne grâce à l’escalier extérieur. Il se coucha à tâtons, sans allumer de flambeau, et le coude sur le traversin de son lit, l’oreille tendue, il écouta…
Maurevert avait sagement fait de se hâter. En effet, après quelques mots que Guise avait ajoutés, les conjurés s’étaient dispersés. Maineville, en sortant du mystérieux hôtel, s’était dirigé en courant vers l’hôtellerie où logeait Maurevert.
Il réveilla l’hôte à grand vacarme et se fit conduire aussitôt à la chambre de Maurevert. La porte n’était pas fermée à clef. Il ouvrit brusquement et entrant une lampe à la main, jeta un regard avide sur le lit, comme s’il eût pensé de n’y pas trouver Maurevert… Mais Maurevert était là… profondément endormi.
Maineville referma la porte, posa sa lampe sur la table, et s’approchant du lit, examina un instant ce compagnon d’armes dont il était l’ami depuis si longtemps. Evidemment, Maurevert était couché depuis le commencement de la soirée… Il dormait régulièrement d’un sommeil paisible. Maineville songea :
« Je veux que le diable m’étripe si Maurevert songe à trahir. Et pourquoi trahirait-il ? Tous ses intérêts sont du côté de Guise… Comme il dort !… Et moi qui courais dans la pensée de le surprendre !… Pauvre Maurevert ! Après tout, il m’a rendu plus d’un service, et je ne veux pas qu’il lui arrive de mal… »
– Holà, Maurevert !…
Par un excès d’habileté, Maurevert, au lieu de se faire appeler plusieurs fois, ouvrait les yeux à l’instant, et ne témoigna même pas de surprise-Il se contenta de dire :
– Tiens ! c’est toi !… Qu’y a-t-il ?… As-tu besoin d’argent ? As-tu perdu au jeu ?… Ma bourse est là, à gauche, sur la cheminée… allons, va-t-en au diable, et me laisse dormir…
– Maurevert, fit Maineville, pourquoi n’es-tu pas venu à la réunion de ce soir ?
– Quelle réunion ?…
– Eh ! celle dont je t’ai donné les mots de passe, ce matin !
– Ah ! oui ! Eh bien ?… Pourquoi y aurais-je été ?… Est-ce que mon absence a été remarquée ?
– Oui, Maurevert, ton absence a été remarquée… par le duc.
– Eh bien ! fit Maurevert en s’accoudant et comme s’il eût pris son parti d’un entretien forcé, eh bien, tu peux dire au cher duc qu’il remarquera mon absence plus d’une fois. Tiens ! pourquoi ne suis-je pas convoqué comme les autres ? Prétend-il que je viendrais honteusement, et par une porte de derrière ?… Non, non ! je ne bouge plus tant qu’il ne m’aura pas envoyé chercher…
Maineville s’assit sur le bord du lit. Ces paroles eussent dissipé en lui tout soupçon, s’il lui en était resté. Mais Maineville n’avait plus maintenant aucun soupçon contre Maurevert… Mais il savait aussi qu’un homme soupçonné de trahison par Guise en des circonstances aussi tragiques était un homme perdu. Maineville avait pour Maurevert cette sorte de rude affection qui unit les gens ayant couru les mêmes dangers… Il résolut de sauver
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