Fausta Vaincue
ce n’est plus dans les greniers de l’hôtel que nous conduisons le lecteur…
Au premier étage, un de ces immenses salons d’autrefois occupait presque toute la longueur de l’hôtel, avec six fenêtres donnant sur la cour d’honneur. Précédant ce salon, et lui servant pour ainsi dire d’antichambre, se trouvait une pièce de modestes dimensions. C’est là que nous pénétrons, vers dix heures du soir.
Une femme assise dans un fauteuil s’entretenait avec un homme debout devant elle. L’homme venait de fournir une longue course. Ses habits étaient tachés de boue. Il semblait très fatigué.
Cette femme, c’était Fausta.
Cet homme, c’était un courrier qui arrivait de Rome.
Fausta conservait cette physionomie impénétrable qui avait fini par devenir sa vraie physionomie. Mais son regard qui brillait d’un éclat plus fiévreux, une légère rougeur qui couvrait ses joues eussent appris à ceux qui la connaissaient bien quelle profonde émotion elle essayait de cacher. L’homme parlait. Et voici ce qu’il disait :
– Je suis arrivé à Rome le 20 de novembre, porteur de vos instructions orales et écrites. Faut-il vous dire quelles démarches j’ai dû faire ?
– Passe, et arrive au principal. Sois bref et clair.
– Ce fut le cardinal Rovenni qui au bout de trois jours m’introduisit auprès de Sixte. Je n’avais pas le choix des moyens et je dus accepter l’aide que m’offrit le traître, dans l’espoir, sans doute, de se réconcilier avec vous.
– Peu importe qui t’a aidé…
– Donc, je vis le pape. Je l’ai vu quatre fois de suite. La première fois, lorsque je lui ai dit que j’étais votre envoyé, il commença par me faire saisir et déclara que ma mort seule était un châtiment suffisant de mon audace. Je fus jeté dans un cachot du château Saint-Ange… Là, Sixte vint me voir le lendemain, et brusquement me demanda ce que la révoltée, rebelle, relapse, hérétique pouvait avoir à lui communiquer. Je lui répondis que j’apportais la paix, mais que je ne dirais rien tant que je serais détenu prisonnier, et que vous représentant, je voulais traiter de puissance à puissance…
– Et que dit alors le vieux gardeur de pourceaux ?
– Il me tourna le dos et sortit en disant : « Qu’il crève comme un chien !… » Mais le lendemain, des gardes m’ouvrirent le cachot. Je fus conduis dans un oratoire où Sixte était seul. Il m’examina longtemps, puis d’un ton rude, il me dit : « Parle, tu es libre… » Alors j’exposai votre renonciation. Je répétai vos offres. Il écouta attentivement. Je l’assurai que jamais vous ne reviendriez en Italie, et que vous feriez tous vos efforts pour sauvegarder sa puissance temporelle ou spirituelle. J’ajoutai que j’avais mis en lieu sûr un parchemin signé de vous ratifiant toutes les renonciations que j’énumérais de vive voix… Alors, il me demanda ce que vous attendiez en retour, et je lui répondis : « Une chose unique, une bulle de divorce cassant le mariage du duc de Guise et de Catherine de Clèves… » Il ne parut pas surpris… Il me dit de revenir trois jours plus tard. Au jour dit, je me présentai au Vatican, et je revis Sixte seul à seul… Longtemps il se promena sans me regarder. Puis, tout à coup, il s’arrêta devant moi et me dit : « Où sont ces parchemins que tu dois me remettre ?… » Je lui répondis que je les apporterais dès que je serais d’accord avec lui. Alors il ouvrit une cassette, en tira un étui d’argent. De l’étui, il sortit un parchemin et le mit sous mes yeux… C’était la bulle de divorce… Puis il remit le parchemin dans l’étui, et me tendit l’étui en me disant : « Je suis plus confiant que ta maîtresse. Voici ce qu’elle me demande, et ma bénédiction par-dessus le marché. Va me chercher les papiers que tu m’as promis… » Je les sortis de ma poitrine, je mis un genou à terre et les lui tendis en disant : « Je les avais sur moi, Sainteté… » Il sourit, et prenant les parchemins, les parcourut d’un regard indifférent. Mais au soupir qu’il poussa, je vis combien il était heureux… Je sortis alors du Vatican, et bientôt je repris à franc étrier la route de France.
En achevant ce récit, l’homme mit un genou sur le tapis, comme il avait fait devant le pape, sortit de son pourpoint un étui d’argent qu’il portait attaché par une chaînette placée autour du cou. Fausta prit l’étui
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