Fausta Vaincue
ans !…
– Oui, oui !… Partons, ma mère, partons ! s’écria Henri.
Puis se frappant brusquement le front :
– Et ces gens qui sont là !… Ces misérables !… Ce Guise imposteur !… Oh ! je ne veux pas les voir ! Qu’ils s’en aillent !… Je vais…
– Vous allez, mon fils, vous rendre à l’hôtel de ville comme c’est convenu, interrompit Catherine. Vous aurez votre air le plus confiant pour écouter les doléances des bourgeois de Paris. Et quand vous verrez Guise triomphant, quand déjà il croira vous tenir, alors vous lui déchargerez le coup que je lui ai préparé… Pas de réponse ! Le silence ! Un mot : un seul !… Et ce mot… ce mot qui sera l’écrasement de Guise vous ramènera le royaume presque tout entier…
– Dites ! dites ! ma mère… Quel sera ce mot que je devrai prononcer ?…
– Le voici : « Le roi convoque les états généraux à Blois !… » Les états généraux ! Comprenez-vous ? Guise n’est plus rien ! Les Parisiens ne sont plus rien ! Le roi discute avec les ordres assemblés… sans compter que nous gagnons du temps, ajouta Catherine avec un mince soupir.
Henri III respira bruyamment et éclata de rire.
– Pardieu ! fit-il, le tour est bien joué… Oui, vous avez raison, madame ! Les états généraux arrangent tout ! En les convoquant, je détruis la puissance de Guise, puisque je discute directement avec mon peuple, et je deviens l’ami, le père de mon peuple, puisque je consens à discuter avec lui !
Catherine hocha doucement la tête, et dit en souriant :
– Allez donc, mon fils, allez porter ce coup à Guise… Et quant à celui qu’on voulait vous porter, à vous, dès ce soir mes espions auront achevé de me renseigner. En attendant, que pas une ombre de défiance ne semble descendre sur votre front… Allez à l’hôtel de ville, puis faites votre procession, comme si rien ne vous menaçait… Allez, mon fils, votre mère veille sur vous !…
Henri embrassa de nouveau sa mère en lui disant :
– Je vous ai parfaitement comprise, madame…
Et il regagna son appartement où toutes portes ayant été ouvertes, les courtisans et les familiers entrèrent aussitôt en daubant sur Guise et la grande procession des Parisiens.
– Sire, murmurait d’Epernon, si Votre Majesté voulait…
– Quoi donc, duc ?…
– Quel beau coup de filet ce serait !… Vous n’avez qu’à donner l’ordre à Crillon de fermer les portes de la ville ; moi je me charge du reste.
D’Epernon l’eût fait comme il le disait. Cet enragé de jouissances, ce fou furieux du luxe, ce seigneur qui dépensait plus d’argent que le roi était l’homme des entreprises extraordinaires, des coups d’audace et des aventures téméraires. Sa bravoure était aussi étonnante que son bonheur à se tirer des plus mauvais pas. Plus tard, poursuivi, traqué, sur le point d’être arrêté, il se jeta dans Angoulême. La ville se révolta contre lui et voulut le massacrer : seul dans une chambre où il s’était barricadé, d’Epernon soutint un siège de trente heures, tua ou blessa une centaine des assaillants et finit par sortir sain et sauf de cette algarade. Tel était l’homme qui conseillait à Henri III ce qu’il appelait un beau coup de filet, c’est-à-dire de passer au fil de l’épée tout ce qui était venu de Paris à Chartres, depuis Guise jusqu’à Joyeuse.
Mais Henri III était bien le fils de Catherine, et comme il le disait, il l’avait parfaitement comprise : s’il ne reculait pas devant un coup d’épée à donner ou à recevoir, la ruse lui semblait la meilleure des armes. Il fit donc la sourde oreille, donna l’ordre de porter douze cierges à Notre-Dame de Chartres pour la mettre dans ses intérêts, puis déclara qu’il était temps de se rendre à l’hôtel de ville.
D’Epernon haussa les épaules et murmura à l’oreille de Crillon :
– Vous verrez que le roi nous laissera tous égorger quelque jour. Compère, prêtez-moi cinquante de vos arquebusiers, et je rétablis l’ordre, moi ! Le roi fera semblant d’être furieux, mais il sera sauvé, et nous aussi.
Crillon hésita une seconde.
– Allons, brave Crillon, dit à ce moment le roi, en route !
Crillon tira son épée et cria :
– Les gardes de Sa Majesté !…
Et d’un regard, il fit comprendre au duc d’Epernon qu’il n’était, lui, qu’un soldat esclave de la consigne. Dix minutes plus tard, le
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