Fausta Vaincue
roi entouré de ses gentilshommes marchait à l’hôtel de ville dans une double haie de soldats que Crillon avait disposés le long du chemin. Derrière chaque haie, la foule silencieuse et presque hostile regardait ; les fenêtres étaient noires de monde. Pas un vivat, pas un cri. C’était sinistre.
– D’O, fit d’Epernon qui marchait derrière le roi, dis-moi, que sens-tu ?
D’O renifla et répondit :
– Je sens ce nouveau parfum que Ruggieri a composé pour Sa Majesté et qui est bien la plus suave odeur que j’aie jamais eue dans le nez. Ruggieri est un grand homme, n’est-ce pas, sire ?
Le roi sourit et secoua son manteau comme pour faire exhaler de ses plis le parfum dont il était imprégné.
– Et moi, reprit d’Epernon, je sens la trahison !
Henri III pâlit, mais se redressa et appuya sa main sur son épée, comme pour dire : « S’il y a trahison, nous en découdrons, voilà tout. » Mais la route s’acheva sans le moindre incident, et le roi étant entré à l’hôtel de ville, prit place sur un trône qui lui avait été élevé dans la grande salle. Ses courtisans se rangèrent à ses côtés. Crillon disposa ses gens de façon à être prêt à tout événement ! Puis Henri III donna l’ordre d’introduire la députation des Parisiens.
Il semblait que Guise eût compris les soupçons et eût voulu rassurer complètement le roi. En effet, ce n’était pas à l’hôtel de ville que devait se jouer le drame combiné par Fausta : c’était dans la cathédrale que Jacques Clément devait frapper Henri III. Guise avait donc rassemblé hors des murs tout ce qu’il avait de gens en état de se battre, ligueurs et gentilshommes. Aussitôt après la réception, il devait les rejoindre et attendre le signal : douze coups de la grosse cloche devaient signifier que le roi était mort ; six coups que Jacques Clément avait manqué son attaque.
Le chef de la Ligue entra donc accompagné seulement de quelques bourgeois que conduisait Maineville. A l’aspect de cette si faible troupe, le roi respira, d’Epernon se mit à ricaner. Les courtisans l’imitèrent. Guise traversa la salle dans toute sa longueur. Il était calme et grave. Il marchait avec cette sorte de majesté rude qui lui était particulière. Parvenu devant le trône, il s’inclina profondément.
– Mon cousin, dit gracieusement le roi, il paraît que quelque sujet de discorde s’est élevé entre mes bons Parisiens et moi. On m’affirme que vous avez bien voulu recueillir les plaintes de mes sujets pour me les apporter. Parlez donc hardiment, et soyez sûr que je suis résolu à donner pleine satisfaction à toute plainte. Car c’est le premier devoir du roi de s’éclairer sur les besoins de son peuple.
– Oui, sire, répondit Guise, mais c’est aussi le premier devoir de la noblesse de soutenir le roi… le premier gentilhomme du royaume. C’est pourquoi, sire, je suis resté à Paris pour représenter aux bourgeois combien il était nécessaire de rétablir une paix durable entre le roi et ses sujets. Là se borne mon rôle. Et quant aux plaintes des Parisiens, je n’ai pas eu à les recueillir. Je n’ai pas à vous les apporter. Si j’ai eu le bonheur de décider les Parisiens à se réconcilier avec Votre Majesté, il ne m’appartient pas de connaître sur quelles bases doit se faire la paix…
Ces paroles à la fois modestes et fières produisirent un excellent effet sur la plupart des gentilshommes qui entouraient le roi. Mais d’Epernon continua à sourire et Henri III demeura impassible.
– Sire, continua le duc de Guise, voici les députés du corps de ville. Ils vous diront, si cela plaît à Votre Majesté, quels sont les désirs de votre peuple.
Les députés s’inclinèrent en signe d’assentiment. Et le roi prononça :
– Parlez, messieurs : je suis prêt à vous entendre.
Alors, du groupe des bourgeois, se détacha un homme qu’Henri III reconnut aussitôt.
– Est-ce vous, monsieur de Maineville, qui parlerez au nom des Parisiens ?
C’était Maineville, en effet. Et sa présence à cette conférence est le seul acte politique que l’on connaisse de cet homme, plus habitué à manier l’épée ou la dague que la parole. Il s’inclina et dit :
– Si Votre Majesté y consent, c’est moi qui parlerai.
– Faites, monsieur.
Maineville, alors, se redressa.
– Sire, dit-il, la requête que je vais avoir l’honneur de vous soumettre est
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