Fausta Vaincue
à réunir les états généraux !… Guise avait légèrement souri. D’Epernon s’était incliné en signe d’admiration.
– Les états généraux, continua le roi, auront lieu dans notre ville de Blois, et nous en fixons l’ouverture au quinzième de septembre.
– Vive le roi ! répétèrent les députés avec un sincère enthousiasme.
Et dans la ville, bourgeois de Chartres et pénitents de Paris reprenaient ce cri, avec une sorte d’orgueil : la convocation des états généraux, c’était en effet une victoire qu’on n’eût osé espérer ; c’était la monarchie discutant directement avec la noblesse, le clergé, le peuple, les intérêts du royaume…
Henri III, sur les conseils de sa mère, s’étant avisé de proclamer la convocation des états généraux, changea la tempête en bonace ; la discussion se trouva arrêtée net, la séance fut levée, tout fut renvoyé aux états généraux, et le roi se prépara à se rendre en procession à la cathédrale.
Dans la rue, les bourgeois de Chartres se rangèrent, des cierges à la main ; les moines et pénitents venus de Paris se formèrent en rangs. Mais les ligueurs qui étaient venus armés n’étaient pas là. Où étaient-ils ? Bientôt on vit apparaître Henri III, qui ayant quitté son pourpoint de soie, son mantelet de satin, sa toque ornée de diamants, s’avançait nu-tête, pieds nus et revêtu d’une longue chemise de toile grossière. Il portait le chapelet autour du cou et tenait un grand cierge à la main. Il n’était Pas entouré de gens d’armes, ni de gentilshommes, mais il marchait seul dans un vaste espace vide ; à quelques pas derrière lui, venaient deux moines soigneusement encapuchonnés.
Hors des murs, Mayenne et le cardinal de Guise attendaient. Ils avaient réuni là trois ou quatre cents ligueurs bien armés. Dans une plaine, l’armée de Crillon était au repos, et Mayenne à cheval essayait de dénombrer ces soldats en comptant les tentes.
Le duc de Guise arriva au moment où toutes les cloches de la ville se mettaient à carillonner, c’est-à-dire au moment où la procession se mettait en marche. Le cardinal l’interrogea du regard.
– Eh bien, fit le duc en haussant les épaules, il convoque les états généraux pour le 15 de septembre, à Blois.
Oh ! oh ! dit le cardinal, voilà qui pourrait bien sauver Valois si…
– Si sa destinée ne devait s’accomplir aujourd’hui même, dans quelques minutes, dit Guise froidement.
– Comment saurons-nous la chose ? reprit le cardinal en palpitant , tandis que Mayenne roulait de gros yeux vers le camp de Crillon…
– La grosse cloche sonnera douze coups… Six coups voudront dire que le coup est manqué… mais il ne peut manquer !…
Et Guise ne put s’empêcher de frissonner à la pensée qui l’agitait.
– Je l’ai vu, reprit-il d’une voix basse, je l’ai vu se mettre en route. Il ne prend nulle précaution. Il est vêtu d’un sac. Derrière lui se trouve notre sœur Marie, et près d’elle, marche l’intrépide Fausta… Elles sont habillées en capucins. Elles seront là pour soutenir le courage du moine si par hasard il tremblait à la dernière minute… Je vous le dis, Henri de Valois va mourir !…
– Et Crillon ? demanda Mayenne en étendant le bras vers les troupes royales.
– Crillon ! Il est dévoué jusqu’à la mort, mais il ne saurait l’être au-delà de la mort ! Lorsque Valois sera tombé, que voulez-vous qu’il fasse ? A qui obéira-t-il ? C’est lui-même qui viendra me donner assurance de fidélité… et me présentera à ses troupes… Fausta a tout prévu… Attendons !
– Attendons ! fit Mayenne paisiblement.
– Oh ! s’écria à ce moment le cardinal, voici les cloches qui se taisent… le roi est à la cathédrale… c’est la minute tragique…
Et tout trois, penchés sur l’encolure de leurs chevaux, écoutèrent ce grand silence frissonnant qui venait de la ville. Une indicible angoisse les étreignait.
Quelques minutes se passèrent… Les trois frères se regardaient… La grosse cloche de la cathédrale se taisait…
– Approchons-nous du camp royal, dit Guise pour échapper à cette impression de terrible attente qui lui serrait la gorge…
A ce moment, dans le silence de la campagne, une sorte de mugissement aux larges et profondes sonorités s’épandit dans les airs… c’était le premier coup de la grosse cloche de la cathédrale !… Les
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