Fausta Vaincue
merveille…
– Ah ! monsieur, fit le Parisien courbé en deux, c’est là un compliment qui vaut dix nobles à lui tout seul.
Et l’hôte se lança dans un pittoresque récit que Pardaillan écouta très attentivement.
– Mais figurez-vous, mon gentilhomme, dit-il en terminant, figurez-vous que ce palais qu’on croyait désert depuis Lucrèce Borgia était habité… et qui plus est, habité par un personnage considérable, une femme… une femme, monsieur, sur laquelle courent toutes sortes de bruits et qui était une façon de rebelle, en révolte ouverte contre l’autorité de notre Saint-Père…
– Vous dites « qui était ».
– C’est que cette femme a péri dans les flammes, monsieur, à ce que tout le monde assure.
Pardaillan se détourna vivement, tandis que l’hôte continuait son élégante narration.
Le chevalier avait senti qu’il devenait tout pâle. Ainsi Fausta était morte !… Morte de cette mort effrayante dans le brasier allumé par elle pour lui !… Pendant quelques minutes, Pardaillan demeura pensif, donnant un dernier souvenir à celle qui avait voulu le tuer, mais qui l’avait aimé. Puis, il secoua la tête en murmurant :
– Morte Fausta, mort le passé… tâchons de regarder dans l’avenir ! Lorsqu’il fut à cheval, l’hôte lui offrit lui-même le coup de l’étrier, un verre d’un certain vin de Bourgogne qu’il gardait pour les grandes circonstances. Une demi-heure plus tard, Pardaillan trottait sur le chemin du retour.
Fausta n’était pas morte. Au moment où Pardaillan s’éloignait de Rome, elle était enfermée et gardée à vue dans une chambre du château Saint-Ange avec sa suivante Myrthis. Myrthis, après avoir mis le feu aux fascines accumulées au rez-de-chaussée, était sortie en fermant les portes, selon les instructions qu’elle avait reçues et avait attendu sa maîtresse, devant une porte basse de l’aile gauche que le feu ne pouvait que difficilement gagner. L’incendie se déclara. La foule accourut, et, naturellement, se porta vers la façade où le feu était dans toute sa force. La suivante vit bien quelques louches figures rôder autour d’elle, mais dans l’angoisse de ce qui allait se passer, elle n’y prêta aucune attention. Cependant, peu à peu, le feu commençait à gagner l’aile gauche, et Myrthis se désespérait lorsque la porte basse s’ouvrit, Fausta parut, et rejoignit aussitôt Myrthis.
A ce moment, ces gens qui avaient rôdé autour de la suivante s’approchèrent vivement, enveloppèrent les deux femmes, et l’un d’eux, passant sa main sur l’épaule de Fausta, lui dit à voix basse :
– Vous êtes la princesse Fausta ! Depuis huit jours, nous surveillons le palais. Au nom de Sa Sainteté, madame, je vous arrête. Veuillez nous suivre sans scandale, si vous voulez garder quelque chance de vous entendre avec le Saint-Père.
Fausta leva un regard flamboyant vers le ciel menaçant où l’incendie mettait l’effroyable splendeur de son immense lueur de brasier… en même temps, elle fut entraînée.
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Chapitre 42 VENTRE-SAINT-GRIS !…
P endant la première étape, Pardaillan se sentit accablé de tristesse en pensant à la mort affreuse de Fausta, et cette tristesse était, en somme, une suprême générosité, car tout bien compté, Fausta, par divers moyens plus ingénieux les uns que les autres, avait par cinq fois essayé de l’occire.
Pardaillan était généreux, mais il était juste. Il résulta de cette générosité qu’il fut triste pendant la première étape, et il résultat de cette justice, qu’à la deuxième étape, il commença à se morigéner au sujet de cette tristesse.
Plus il s’éloignait de Rome, plus il reprenait cet esprit d’insouciance raisonnée qui le faisait si fort dans la vie. Lorsqu’il rentra en France, la scène du Palais-Riant ne vivait plus en lui que comme un rêve lointain qui s’efface de plus en plus. D’ailleurs, les étranges nouvelles qu’il recueillait en route, à mesure qu’il avançait, suffisaient à elles seules à donner un nouveau cours à ses pensées.
Il apprit que le vieux cardinal de Bourbon avait été proclamé roi de France sous le nom de Charles X, que Mayenne tenait Paris, qu’Henri III était aux abois, que le roi de Navarre tenait la campagne vers Saumur avec une forte armée, que Chartres, Le Mans, Angers, Rouen, Evreux, Lisieux, Saint-Lô, Alençon et d’autres villes étaient en état de révolte
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