Fausta Vaincue
cavaliers débouchèrent d’une rue voisine. Charles d’Angoulême tressaillit et murmura :
– Vous aviez pardieu raison ! Ce sont eux !…
Chalabre et Montsery étaient à cheval. Montsery conduisait une troisième monture par la bride. Les deux spadassins mirent pied à terre. Pardaillan, Charles d’Angoulême et Jacques Clément enfourchèrent les trois bêtes. Alors Chalabre se détacha en avant et alla parlementer avec l’officier du poste qui gardait la porte. Une minute plus tard, on entendit le grincement des chaînes du pont-levis, et Chalabre, de loin, s’écria :
– Quand il vous plaira, messieurs !
Le cœur de Charles battait avec violence. Tout cela lui semblait exorbitant. Jacques Clément, tout insensible qu’il -fût, murmurait une prière. Pardaillan souriait :
– Messieurs, dit-il, jusqu’au plaisir de vous revoir…
– Tâchez que ce soit bientôt, dit Sainte-Maline. Tâchez que nous ayons vite achevé de vous payer notre dette. Vous n’avez pas idée, monsieur de Pardaillan, du plaisir que j’aurai alors à vous tuer… car avec un homme comme vous, il n’y a plus moyen de vivre.
– Nous en serions réduits à prier le roi de nous exiler, ajouta Montsery. Faites donc que nous puissions bientôt croiser le fer.
– J’y tâcherai, messieurs, dit Pardaillan.
Ils se saluèrent…
Les trois cavaliers passèrent sous la porte, et Chalabre leur fit un geste d’adieu ou de menace… Quelques instants après, Jacques Clément, escorté par Charles d’Angoulême et Pardaillan, galopait sur la route de Paris, après avoir été escorté jusqu’à la porte de Chartres par ceux-là mêmes qui avaient été chargés de l’assassiner.
Tant qu’il fit nuit, les trois cavaliers continuèrent à galoper en silence. A l’aube, ils s’arrêtèrent dans un bourg pour laisser souffler les chevaux, et entrèrent dans un bouchon.
– Je vous quitte ici, dit Jacques Clément qui n’avait pas ouvert la bouche depuis Chartres.
– Bon ! Pourquoi nous quitter ?… dit Pardaillan.
– Il faut que je rentre en mon couvent, dit le moine d’une voix sourde. Je n’en étais sorti que pour accomplir les ordres de Dieu…
– Et de la signora Fausta ! grommela Pardaillan entre les dents.
– Il a plu au Tout-Puissant, continua Jacques Clément, de vous mettre sur ma route ; c’est que l’heure de Valois n’est pas sonnée encore. Puisque entre le roi et moi s’est placé le seul homme qui pouvait d’un mot détourner cette arme qui ne me quitte pas, c’est que Dieu avait décidé de laisser vivre encore quelques jours Hérodes le tyran… Je rentre donc dans ma cellule, et j’y attendrai qu’un ordre nouveau me soit donné. Car je ne doute pas que l’ange ne revienne me voir…
– Tenez, fit Pardaillan ému, voulez-vous que je vous dise ? Vous devriez quitter votre couvent, votre cellule, vos prières, vos macérations, votre solitude. C’est tout cela, ce sont ces jeûnes auxquels vous vous soumettez, ce sont ces visions nées de l’isolement qui vous mettent dans la tête ces pensées de tristesse et de désolation. Vous êtes jeune… vous pouvez aimer… être aimé…
Jacques Clément pâlit horriblement et de sa main crispée comprima son cœur.
– Vous seriez un brave et hardi cavalier… vous reprendriez plaisir à tout ce qui fait la joie de l’homme… restez avec moi, je vous guérirai…
– Pardaillan, dit le moine en secouant la tête, ma destinée doit s’accomplir. Je ne suis pas seulement l’envoyé de Dieu, chevalier ! Si Dieu m’a choisi pour débarrasser le monde de ce monstre qu’on nomme Valois, c’est sans doute à l’intercession de celle qui a souffert, pleuré, qui est morte en maudissant Catherine de Médicis… Pardaillan, c’est la voix de ma mère qui me guide !…
Pardaillan demeura songeur.
– Allez donc, fit-il enfin. Je vois que rien ne saurait vous détourner de la voie étroite…
– Rien ! dit le moine.
– Seulement, reprit le chevalier, puisque vous êtes décidé à frapper le roi de France… car vous êtes décidé plus que jamais ?
– Il serait mort à cette heure si vous ne m’aviez dit : « J’ai besoin qu’il vive encore… » Valois vivra donc tant que vous aurez besoin de sa vie… Je suis patient… j’attendrai !
– Je vous l’ai dit et vous le répète : la vie du roi de France m’est indifférente. Seulement, je ne veux pas que sa mort puisse servir les
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