Fausta Vaincue
Maurevert, tranquillisez-vous.
– Et le rendez-vous à la Ville-l’Evêque ? fit Maurevert haletant.
– Eh bien, vous irez…
– Accompagné ?…
– Vous irez seul…
Maurevert frissonna.
– Cela est nécessaire. Il faut que la confiance de l’homme que vous voulez tuer soit absolue…
– Oh !… je comprends… Oui, oui, j’irai seul… Et que dirai-je ?…
– Puisque votre voyage à Blois durera huit jours… mettons dix… eh bien, vous direz à ces deux hommes que s’ils veulent revoir la petite bohémienne, ils doivent se trouver, le dixième jour, à dater d’aujourd’hui, à la porte Montmartre, d’où vous la conduirez…
– Et où les conduirai-je alors ? haleta Maurevert.
– A la mort ! dit Fausta d’une voix si calme et si glaciale que Maurevert fut secoué d’un frisson… Quant au lieu exact du supplice, vous le saurez en rentrant à Paris. Toute satisfaction vous est donc donnée, puisque c’est vous-même qui conduirez ces hommes au supplice auquel vous assisterez…
Maurevert étouffa un rugissement de joie et demanda :
– Quelle heure devrai-je désigner ?…
– Midi, répondit Fausta après un instant de réflexion. Ainsi donc : le dixième jour, à midi, hors Paris, près de la porte Montmartre, ils devront vous attendre. Vous pouvez leur faire serment, cette fois sans parjure, qu’ils verront Violetta… Allez, monsieur de Maurevert !…
A ces mots, Fausta se leva, et avant que Maurevert eut pu ajouter un mot, disparut. Quelques instants après, les deux suivantes, Myrthis et Léa entrèrent et lui firent signe de les suivre. Elles l’escortèrent jusqu’à la porte, et bientôt Maurevert se trouva dans la rue.
Longtemps, il demeura là, songeant à ce qui venait de se passer. Pas une seconde l’idée ne lui vint que Fausta avait pu le tromper. Il pensait seulement qu’elle avait dû méditer un effroyable supplice qu’il fallait préparer, et il admirait qu’elle eût ainsi perfectionné sa vengeance : lui n’avait entrevu qu’une embuscade où Pardaillan tomberait sous un coup de poignard ou sous quelque balle d’arquebuse…
Le petit jour le surprit ainsi, tout frissonnant, devant la grande porte de fer.
Maurevert regagna son logis, entra sans faire de bruit à l’écurie, sella son cheval et, laissant les portes ouvertes derrière lui, s’éloigna, traînant la bête par la bride.
Il marcha ainsi à pied jusqu’à la porte Neuve où il attendit l’heure de l’ouverture… Vers huit heures du matin, Maurevert se retrouva dans la campagne, galopant éperdument pour se briser de fatigue, repris d’une crise d’allégresse effrayante comme celle de la veille… toute une nuit passée sans dormir n’ayant pas épuisé sa force de haine et de joie…
Enfin, il revint sur Paris, et comme l’heure du rendez-vous approchait, il se mit à trotter dans la direction de la Ville-l’Evêque, employant alors tout ce qu’il avait d’énergie à se composer un visage paisible. Il vit alors combien une embuscade eût été difficile et, en lui-même, ardemment, il remerciait Fausta, lorsqu’il aperçut Pardaillan et le duc d’Angoulême qui, étant sortis du bosquet, arrivaient sur le sentier.
Ce fut encore une minute de terrible angoisse pour Maurevert. Qui sait si Pardaillan ne s’était pas repenti de sa générosité !… Il marcha cependant et, étant arrivé près d’eux, mit pied à terre en disant :
– Me voici, messieurs…
La physionomie de Charles s’éclaira d’un sourire et son cœur se mit à battre. Quant à Pardaillan, il ne fit ni un pas ni un geste. Maurevert évitait de regarder Pardaillan. Il tenait ses yeux fixés sur le duc d’Angoulême. Mais du coin de l’œil, il surveillait le chevalier.
– Messieurs, dit-il d’une voix sourde, à peine intelligible, ma présence au rendez-vous que vous m’aviez assigné doit vous prouver que j’ai songé à tenir ma parole. Si j’avais voulu vous échapper pour toujours, je n’avais qu’à ne pas venir…
Il s’arrêta un instant comme pour attendre un mot, un geste d’approbation. Mais Pardaillan demeurait dans la même immobilité ; quant à Charles, il était trop ému pour avoir une autre pensée que celle-ci :
« Vais-je savoir ?… Cet homme m’apporte-t-il la vie ou le désespoir ?… »
– Messieurs, reprit Maurevert, en acceptant votre merci, je m’engageais ou à vous donner satisfaction, ou à revenir me mettre à votre
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