Favorites et dames de coeur
qui retrouva son poste au détriment des Guise, et reprit son empire sur le roi. La favorite arbitrait ainsi les deux clans et demeurait toute-puissante. Aux dires de l’ambassadeur Alvarotto, le connétable et Diane, jadis ennemis, « se [faisaient] les plus grandes faveurs et les plus grandes caresses du monde ».
Chapitré par Diane et Montmorency, le roi se résigna à l’abandon définitif de l’Italie, contre l’avis des Guise, du dauphin, de la dauphine et de la reine Catherine, qui tenta vainement de convaincre son mari juste avant le Conseil. Henri II s’en tint à sa décision. Ulcérée par la défaite, la reine se retira alors dans ses appartements et se plongea dans les Chroniques de l ’ histoire de France . Diane, qui croisait dans les parages, survint et demanda à sa cousine ce qu’elle lisait. Catherine rétorqua : « Je lis les histoires de ce royaume et j’y trouve que de temps en temps, à toute époque, les putains ont dirigé les affaires des rois ! » Les quelques témoins firent comme s’ils n’avaient rien entendu… Signé le 3 avril 1559, le traité du Cateau-Cambrésis ôta à la France tous les acquis territoriaux du règne précédent : la Corse et la Savoie.
La « chasseresse » chassée
Diane espérait du traité un répit et une remise en ordre du royaume. Femme d’affaires avant tout, elle avait réussi à sauvegarder ses intérêts personnels : une clause spéciale du traité du Cateau-Cambrésis l’indemnisait de la perte de ses fiefs italiens… Henri II ordonna de grandes réjouissances pour célébrer la paix. Mais il n’en profita guère, puisqu’il fut mortellement blessé dans un tournoi (30 juin 1559).
L’heure de la revanche avait sonné pour Catherine. Elle interdit à sa cousine d’assister le monarque mourant, à quoi Diane rétorqua qu’elle ne recevrait d’ordre que de lui, tant qu’il vivrait. Fière réponse mais elle n’osa pas se rendre au chevet d’Henri II, qui décéda après une pénible agonie (10 juillet 1559). Le même jour, elle restitua ses joyaux avec leur inventaire ; Catherine et Marie Stuart en firent autant, les bijoux appartenant au Trésor royal dont seul le monarque pouvait disposer. Le jeune roi François II interdit à la duchesse de Valentinois de revenir à la cour ; elle ne put assister aux obsèques d’Henri II que depuis une fenêtre du palais des Tournelles (13 août 1559). Puis elle se retira à Anet.
Cette mise à l’écart frappa aussi sa fille aînée, la duchesse de Bouillon, alors que sa cadette, mariée au duc d’Aumale, un Guise, resta en faveur. Mais Aumale, qui avait pris la défense de sa belle-mère, se fit tancer par son oncle le cardinal de Lorraine : bien qu’il eût reçu son chapeau rouge grâce à l’entremise de Diane, ledit cardinal affirma, sans pudeur aucune, que devoir un service à la maîtresse d’un roi était une « infamie ». Encore une belle âme reconnaissante…
Catherine se contenta d’évincer les amis de Diane du pouvoir exécutif, de vérifier les comptes et d’obliger sa cousine à échanger Chenonceaux contre Chaumont-sur-Loire (27 avril 1560). Il est de pires vengeances, bien que certains historiens à l’âme tendre plaignent régulièrement la « pauvre » Diane, injustement « brimée » par la vilaine « Florentine ». La transaction blessa peut-être l’amour-propre de Mme de Valentinois, mais majora sensiblement la valeur de son patrimoine : Chaumont valait 120 000 livres, Chenonceaux 80 000. Compte tenu des conditions d’acquisition de ce dernier bien, l’une des plus belles illégalités du siècle, Diane s’en sortait mieux qu’Anne de Pisseleu après la mort de François I er . Curieusement, elle avait « régné » autant que son ancienne rivale : vingt et un ans, de 1538 à 1559.
En 1564, la reine mère la somma de restituer les dons reçus du roi. La grande sénéchale disposait encore d’amis haut placés pour écarter cette menace, restée sans suite. Dès les premiers troubles religieux, elle avait pris la sage précaution de répartir ses biens entre ses héritiers, d’où elle exclut les convertis au calvinisme (1561-1562). Au soir de sa vie, elle demeurait égale à elle-même : une femme d’affaires intéressée et procédurière. Mais elle testa en faveur de nombreuses œuvres de charité et se préoccupa de son salut (6 janvier 1565).
Cette grande voyageuse avait toujours eu une santé de fer. Elle
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