Favorites et dames de coeur
révèle une bonne dose de calcul, car elle ne fut jamais une amoureuse éperdue. On ne lui connaît pas d’amant entre la mort de son mari et le début de sa liaison avec Henri, ou alors elle l’a bien caché. De son côté, Henri trompa plusieurs fois sa femme et sa favorite pour vérifier son aptitude à procréer. Une fille et deux fils illégitimes naquirent de ces unions éphémères. Rassuré – il n’était pas stérile –, le roi devait dissiper ensuite la jalousie de Diane, inquiète de ces rivales potentielles.
« Les places ! les sous 38 ! »
Plus sportif qu’instruit, Henri II parlait cependant l’espagnol, l’italien et le latin. D’intelligence moyenne quand la situation réclamait un esprit supérieur, il avait toutefois conscience de ses lacunes : il rechercha donc les appuis de personnalités plus brillantes que lui, mais ne s’aperçut pas que le « dévouement » de ses mentors à sa personne se doublait d’une avidité incompatible avec le devoir d’État. Voulant renforcer l’autorité royale, il se retrouva lié par deux coteries hostiles, aux ambitions contradictoires. Remarquons qu’il s’attacha à un homme et une femme de la génération de ses parents : il ne s’entendit pas avec son père et crut en trouver un autre chez Montmorency ; il compensa l’absence de sa mère par son adulation envers Diane de Poitiers 39 .
Diane n’avait pas évincé Anne de Pisseleu pour jouer au soliveau ; elle assista au sacre du roi, l’accompagna dans ses déplacements et entrées solennelles, où les municipalités l’honoraient au même titre que le souverain par des représentations allégoriques et des cadeaux de prix. Henri la nomma dame d’honneur de la reine (!), lui donna le château de Chenonceaux, pourtant propriété de la Couronne (1547), la créa duchesse de Valentinois, lui attribuant le titre de « Madame » (8 octobre 1548) et la mit au rang des princesses du sang lors du couronnement de Catherine de Médicis (10 juin 1549). L’ambassadeur de Ferrare, Alvarotto, calcula que le roi passait « au moins huit heures » par jour avec la grande sénéchale qui le menait, « pour ainsi dire, par le bout du nez » ; d’autres diplomates tinrent des propos analogues, peut-être un peu plus crus quant à la nature de l’appendice…
Diane empêcha Montmorency de prendre un empire définitif sur le roi. Celui-ci gâtait plus que de raison le connétable et ses trois neveux en argent, places et titres. Elle se rapprocha alors des Guise, naguère ses rivaux, et acheta leur complicité, utilisant les biens confisqués aux anciens fidèles de Mme d’Étampes. Messieurs de Lorraine reçurent pêle-mêle des commendes d’abbayes, l’égalité de statut avec le premier prince du sang, Antoine de Bourbon, l’érection de leur comté d’Aumale en duché-pairie, les gouvernements du Dauphiné, de Normandie et de Savoie, le contrôle des affaires de justice, et jusqu’aux recettes de deux décimes du clergé 40 (700 000 livres) à partager avec Montmorency et un troisième larron ! Afin d’éviter les critiques formulées naguère contre Anne de Pisseleu, des mesures d’austérité réduisirent le train de vie de la cour (1549).
Désireux d’avoir les coudées franches, Montmorency résolut d’écarter Diane de son chemin, et plaça la jolie Marie Fleming dans le lit du roi (1550). Henri goûta fort ce charmant intermède et poussa la galanterie jusqu’à lui faire un enfant. Marie se voyait déjà promue favorite du monarque, croyant qu’il préférerait l’éclat de sa jeunesse aux appâts ternis d’une quinquagénaire fanée. Mais Marie n’eut pas le loisir d’exercer une quelconque influence sur lui : découvrant le pot aux roses grâce aux Guise, Mme de Valentinois fit une scène terrible au connétable. Marie Fleming fut écartée, et Henri II fut, durant plusieurs mois, obligé de rencontrer Montmorency en cachette. Celui-ci ne se réconcilia avec « Madame » que l’année suivante.
Diane de Poitiers et les arts
La grande sénéchale vivait entourée d’une « maison » conforme à son rang, aussi fastueuse que celle de la famille royale 41 . Aimant le luxe, elle collectionna les objets de prix : antiques, émaux, étoffes et cuirs, mobilier, pièces d’orfèvrerie, sculptures, tableaux de maîtres, vases précieux, parfois achetés par ses soins, plus souvent reçus de rois ou de princes alliés, notamment italiens. Diane
Weitere Kostenlose Bücher