Favorites et dames de coeur
parole (25 novembre 1639). Anne d’Autriche la vit partir avec regret et lui offrit ses boucles d’oreilles, d’une valeur de 30 000 livres. Après un bref séjour dans un couvent parisien, elle se retira au château de La Flotte, non loin du Mans (26 décembre).
D’une disgrâce à l’autre
Marie occupa sa nouvelle vie avec esprit et dignité, écrivant, lisant et recevant beaucoup ; sa piété demeurait exemplaire. Protectrice des arts, assistant aux ballets, aux concerts et aux comédies qu’elle appréciait, elle accueillit chez elle les poètes Jean Mairet et Paul Scarron, qui lui dédièrent leurs vers. Elle s’amusait de la verve burlesque de Scarron ; prenant le poète infirme en amitié, elle l’aida par divers moyens : elle lui envoya des colis de victuailles, le recommanda à plusieurs mécènes parisiens, et insista auprès d’Anne d’Autriche pour qu’il obtint sa charge de « malade de la reine 91 ». Marie lui fit même attribuer le bénéfice d’un prieuré, lorsqu’elle revint à la cour après la mort du roi. Et quand la reine régente admit Mlle de Hautefort au privilège du tabouret 92 , le poète dédia sa truculente Symphonie en cul majeur à l’impétrante, dont on ignore les réactions :
[…] Votre cul, qui doit être un des plus beaux culs de France
Comme un cul d’importance
A reçu chez la reine enfin le tabouret […]
Reprise par les passions politiques, Marie se lia à la cabale des Importants, qui regroupa les anciens ennemis de Richelieu contre son successeur Mazarin (fin 1643). Elle voulait que la régente chassât l’italien, et ne se gênait pas pour le cribler de moqueries. Anne d’Autriche lui pardonna d’abord ses impertinents sarcasmes, puis s’en lassa. Les autres conjurés nourrissaient des projets plus meurtriers, mais les espions du ministre ne restaient pas inactifs : ils éventèrent la conspiration devant aboutir à l’assassinat de Mazarin. Les principaux comparses furent arrêtés ou exilés. Le cardinal épargna volontairement Marie, qu’il souhaitait rallier à sa cause. Peine perdue : la jeune femme rejoignit les mécontents demeurés libres. Ce fut sa perte.
Pourtant fine, Marie de Hautefort n’avait pas saisi la métamorphose d’Anne d’Autriche, en qui elle voyait toujours la victime de la raison d’État. Mais les épreuves avaient mûri la régente. Le temps des égarements était passé, elle savait désormais où était son devoir : ce pays qu’elle trahissait en 1637, elle devait le remettre intact à son fils, le petit Louis XIV, pour sa majorité. Mazarin devait poursuivre l’œuvre de Richelieu. Elle reconnaissait implicitement la tâche considérable accomplie par feu le « Grand Cardinal » au service de la France. L’appui que Mlle de Hautefort accordait aux ennemis de Mazarin finit par singulièrement l’agacer : un soir que Marie pérorait en faveur de ceux-là, la reine lui imposa silence (13 avril 1644). Le lendemain, elle lui signifia son congé définitif.
« La chute de ma Hautefort m’est un rude coup de tonnerre », déplora Scarron, qui dissuada la jeune femme désemparée d’entrer en religion. Après quelques mois de retraite, Marie renonça aux errements politiques qui lui avaient valu tant de déboires ; comme elle approchait de la trentaine, elle décida de se marier. Les prétendants ne manquèrent jamais à l’ex-cabaleuse, qui jeta finalement son dévolu sur le valeureux Charles de Schomberg.
La maréchale
Ironie de l’histoire, ce maréchal de France veuf et sans enfant, intègre et dévoué, était l’un des plus fermes soutiens de Mazarin. Marie et lui formèrent un heureux ménage, troublé par la santé délicate du mari, chagriné de n’avoir point de descendance. Marie resta neutre sous la Fronde, tandis que son mari servit l’État ; l’octroi du gouvernement de Metz et Verdun rétribua sa loyauté : diplomates avisés, mécènes éclairés, pieux et tolérants, les Schomberg s’y firent aimer et soutinrent les débuts du jeune prêtre Jacques Bénigne Bossuet (1652) .
Veuve le 6 juin 1656, Marie concilia la foi religieuse et la vie mondaine, observant une conduite irréprochable dans la meilleure société de son siècle. Fréquentant les salons littéraires, elle devint « précieuse » sous le nom d’Hermione. Elle réapparut à la cour après la mort de Mazarin (mars 1661). Louis XIV l’estimait beaucoup : « Je ne saurais répondre de la vertu
Weitere Kostenlose Bücher