Favorites et dames de coeur
bal donné à la cour, le Mardi gras 18 février 1635. La jeune fille lui plut et, dès le printemps, il la convia à l’une de ses chasses. Le 12 avril, elle se rendit à Versailles : le roi y possédait un modeste château, édifié en 1623. Louise-Angélique le charma apparemment, car il l’évoqua dans une lettre au cardinal de Richelieu, son principal ministre, l’été suivant. Chaste, douce de caractère, très pieuse, fine et spirituelle, goûtant le chant et la danse, la jeune personne était encline à la gaieté autant qu’au sérieux.
La faveur
Modeste et réservée, Mlle de La Fayette ne sembla point nourrir d’ambition. Aimer le roi d’une façon aussi platonique que possible suffisait à la combler de félicité. Certes, rien ne prouve qu’elle n’eût pas succombé un jour à la tentation de l’amour physique, mais, compte tenu de l’étrange caractère de Louis XIII, ce divertissement ne risquait pas d’aboutir.
La présence de cette jolie personne arrangeait bien Richelieu : lassé des intrigues de Marie de Hautefort, qu’il jugeait trop proche de la reine, il voulait la détacher du cœur du roi. Louise tombait décidément à pic. Il la poussa au premier plan pour qu’elle fut constamment remarquée du souverain. Il espéra en faire son espionne. Son Éminence avait besoin de tout savoir, par instinct de conservation : il craignait les attentats avec raison, car il avait déjà échappé à quelques tentatives d’assassinat. Conservant toujours le sens aigu des réalités, Richelieu appréhendait les ombrageuses réactions de son maître : le coup d’État d’avril 1617, où Concini, principal ministre, avait péri et lui-même, jeune évêque de Luçon, écarté du pouvoir, pouvait se répéter. La pourpre cardinalice ne le préservait pas des meurtriers.
Mlle de La Fayette écoutait Louis XIII. Ce monarque atrabilaire lui contait ses humeurs, sa mélancolie, et lui confia probablement quelques secrets politiques. Il aimait Louise-Angélique parce qu’elle le comprenait – ou faisait mine de le comprendre. Analogue à la sienne, sa dévotion le mettait en confiance. Le roi ne se trompa point sur son compte, car elle refusa de le trahir au profit du cardinal. Elle desservit même ce dernier dans l’esprit du souverain. Richelieu s’aperçut vite du danger et résolut d’écarter Louise-Angélique de La Fayette au plus tôt (début 1636).
Vers le couvent
Tirant parti des pieuses dispositions de la jeune fille, le cardinal encouragea sa vocation religieuse. Par la voix du père Carré 94 , il lui suggéra d’entrer au couvent. La perspective n’effraya pas Louise-Angélique de prime abord, mais le roi fit grise mine à l’idée de la perdre. Toutefois, il respectait trop les vœux spirituels pour se regimber. Se ressaisissant à l’approche de l’été 1636, Mlle de La Fayette changea subitement d’avis, à cause de son amour croissant pour Louis XIII.
Là-dessus, l’irruption brutale de la guerre ramena ce dernier à des réalités plus amères : une puissante armée espagnole pénétra en Picardie 95 le 2 juillet 1636 dans l’idée de fixer le gros des troupes françaises et de lancer un raid vers Paris. Précédée par la prise de quelques autres places sur la Somme, la chute de Corbie précipita l’invasion, affolant la population (15 août). Les éclaireurs espagnols s’aventurèrent jusqu’à Pontoise. Le calme résolu du roi galvanisa la volonté de résistance. Bien décidé à sauver sa capitale, il enrôla les soldats désœuvrés et des milliers de volontaires, et plaça les officiers de sa propre maison à leur tête. Bloquant les gros de l’armée espagnole, il les força à se replier vers l’Artois dès le début de l’automne ; Corbie fut reprise le 14 novembre.
Louise-Angélique était passée au second plan des préoccupations de Louis XIII durant cet été critique. Sauf un bref regain d’intérêt du roi à son égard de novembre 1636 à janvier 1637, on peut dire qu’elle y resta. En effet, sa rivale Marie de Hautefort revenait en faveur. Le retors père Carré reprit alors ses manœuvres insinuantes. Elles furent couronnées de succès : à la fin mars 1637, Louise-Angélique confia au père Caussin, nouveau confesseur du roi, son désir de se donner définitivement à Dieu. Il n’y avait qu’une ombre au tableau : « Je ne remporte qu’un déplaisir, qui est de donner de la joie au Cardinal par ma retraite »,
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