Favorites et dames de coeur
Le franc caractère de la jeune fille désarma peu à peu l’hostilité de la souveraine, puis capta son amitié et sa confiance. Bientôt, Marie se détacha du roi et de sa ligne politique, c’est-à-dire celle du tout-puissant cardinal de Richelieu.
Mais la maison de la reine était un nid de fieffées intrigantes, sa surintendante Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, en tête. D’une intelligence brillante quoique dévoyée, cette femme eut sur Anne d’Autriche une influence désastreuse. Ennemie jurée du cardinal, la duchesse de Chevreuse crut le renverser avec l’aide de l’Espagne ; elle poussa la reine à trahir son pays d’adoption, alors que la guerre franco-espagnole venait d’éclater (1635). De hauts seigneurs mêlèrent leurs revendications à ces complots contre la sûreté de l’État, à commencer par Gaston de France, duc d’Orléans, frère du roi. Hostile au cardinal, Mlle de Hautefort épousa la cause de la reine par fidélité, mais eut la sagesse de ne pas se compromettre.
Elle s’y engagea, peut-être par dépit et par jalousie, lorsque Richelieu introduisit une favorite rivale auprès du roi, Louise-Angélique de La Fayette, pour en faire son espionne (1635). La manœuvre échoua. Il renouvela la tentative avec une autre demoiselle d’honneur de la reine, amie de Mlle de Hautefort. Ce dessein échoua derechef : Françoise de Chémerault était toute prête à travailler au service du cardinal, mais elle ne plut pas au roi. Celui-ci préféra se réconcilier avec Marie.
La brutale intervention de la police de Son Éminence affola soudain la volière ; depuis l’arrestation de Pierre de La Porte, valet de chambre et agent de la reine, le cardinal détenait les preuves de la trahison d’Anne d’Autriche et de la duchesse de Chevreuse. Marie de Hautefort transmit alors des missives compromettantes et servit de « boîte aux lettres » : grâce à cette action clandestine, la duchesse de Chevreuse brûla la politesse aux espions du cardinal et put fuir subrepticement le royaume ; toujours embastillé, La Porte reçut par le même canal les instructions secrètes de la reine, en dépit de la rigoureuse surveillance dont il était l’objet.
Vers la disgrâce
En septembre 1638, la naissance du dauphin Louis-Dieudonné, futur Louis XIV, provoqua une explosion de joie populaire et de loyalisme dynastique dans tout le pays. Cela consola le roi d’une brouille avec Marie, très vexée que la charge de gouvernante des enfants royaux n’eût pas été attribuée à sa grand-mère, Mme de La Flotte. Richelieu, à qui on attribue parfois quelques arrière-pensées fort peu cardinalices pour la favorite de son maître, les réconcilia. En guise de consolation, Marie devint dame d’atour de la reine et reçut le droit de péage du pont de Neuilly.
Elle avait espéré une charge plus honorifique, ou le duché promis par Louis : son ambition rebutée l’amena à bouder le monarque une fois de plus, et à renouer avec les intrigues de couloir (novembre 1638). Peu désireuse de perdre sa dernière confidente, la reine lui intima de faire la paix avec le roi ; Marie montra alors meilleur visage. Rasséréné, Louis lui offrit une pension de 1 200 écus ; elle lui fit à nouveau grise mine. Le malheureux ne savait plus à quel saint se vouer : « On ne sait comment on se doit gouverner avec elle. Pour moi, j’y perds mon latin » (février 1639). La querelle s’apaisa, mais cette mésentente à éclipses affectait le moral du roi ; Richelieu résolut d’y mettre fin. Il se servit du jeune grand maître de la garde-robe, Henri d’Effiat, marquis de Cinq-Mars 90 , pour écarter Marie de l’esprit du roi ; le sémillant marquis joua si bien son rôle que Louis rompit définitivement avec l’ingrate Marie : « Madame, mes affections sont toutes désormais pour M. de Cinq-Mars » (7 novembre 1639). Il précisa le surlendemain : « Je ne désire plus vivre avec vous comme je l’ai fait dans le passé », ajoutant toutefois qu’il lui rendrait volontiers service si l’occasion devait se présenter.
Cela ne suffit pas au cardinal, qui expliqua à Louis XIII le danger qu’il y avait de laisser Mlle de Hautefort dans l’entourage de la reine. Marie reçut alors une lettre de cachet l’exilant pour quinze jours. Furieuse, elle exigea une explication de son amant platonique. Gêné, celui-ci confirma son ordre. Marie jura de le quitter pour toujours et tint
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