Favorites et dames de coeur
maréchal de France (1748), ce bon serviteur de la monarchie gâta ses excellentes dispositions par une immoralité à peu près complète. Avide et pillard, il s’enrichit à la guerre : ses soldats le surnommaient, paraît-il, « le petit père La Maraude » ; il spécula même sur des biens immobiliers, grâce à des prête-noms et des intermédiaires. Cet homme de plaisir eut d’innombrables maîtresses. Veuf de deux premières épouses, qu’il avait abondamment trompées, il convola une dernière fois, à quatre-vingt-quatre ans, avec une jouvencelle qui n’en avait pas dix-sept. Elle survécut assez longtemps à ce mari qui aurait pu être son arrière-grand-père…
Ami de Voltaire, dénué de scrupules religieux, donc semblable en cela à son ennemi Choiseul, il fut promu, malgré ses défauts, à la charge de premier gentilhomme de la chambre du roi (1744). Il fournit parfois des maîtresses à Louis XV qui apprécia ses services, mais qui, connaissant les limites du personnage, se garda d’en faire un ministre. Ce fameux libertin du siècle des Lumières eut l’élégance de mourir avant la Révolution, chargé d’ans, de gloire et d’une immense fortune mal acquise (1788). Bien qu’il n’eût rien écrit, l’Académie française l’avait admis en son sein en 1720.
Son petit-fils, Armand Emmanuel du Plessis, duc de Richelieu, fut ministre des Affaires étrangères et deux fois président du Conseil sous la Restauration. Il se montra aussi probe que son grand-père avait été malhonnête.
Un curieux procès
Les accents indignés de l’accusateur public Fouquier-Tinville, lors du procès intenté à Mme du Barry devant le tribunal révolutionnaire (décembre 1793), s’inscrivirent davantage dans la ligne du « règne de la vertu » cher à Robespierre que dans la répression de l’intelligence avec l’ennemi. La présomption de collusion de Jeanne avec des Français émigrés à Londres existait, mais aucune preuve ne l’étayait. Le dossier était donc fort mince.
Fouquier-Tinville préféra orienter les débats sur la vie privée de Jeanne. Ancienne maîtresse d’un roi, donc d’un « tyran » selon les critères sans-culottes, cette fille du peuple avait trahi sa classe ; elle s’était « enrichie et couverte des dépouilles du peuple ». Trois heures durant, l’accusateur émailla son interminable et verbeux discours de termes qu’on croirait échappés d’un confessionnal ; « débauche , honteux plaisirs, infâme prostitution, libertinage, opprobre , scandale , turpitudes », se mêlaient à la logorrhée politique du moment : « crime , liberté, peuple, tyran ». Dans une envolée lyrique hélas prise au sérieux, Fouquier-Tinville déclara : « En frappant une Messaline coupable d’une conspiration contre la patrie, non seulement vous vengerez la République […], mais vous arracherez un scandale public et vous affirmerez l’empire des mœurs. » À l’instar des courtisans versaillais vingt-cinq ans plus tôt, mais pour d’autres raisons, les révolutionnaires reprochaient à Mme du Barry ses origines modestes. Plus sectaires encore, ils lui imputèrent à crime sa vie privée qui ne regardait qu’elle : « Le libertinage et les mauvaises mœurs sont les plus grands ennemis de la liberté et du bonheur des peuples », conclut sans rire l’accusateur public. Il réclama et obtint la peine capitale pour la dernière favorite de l’Ancien Régime.
ANNEXE
Les amants de Zoé
Délaissée par son mari, Zoé du Cayla, avant d’être distinguée par Louis XVIII, eut quelques liaisons avec :
– le marquis de Nicolaï de 1807 à 1808 ; elle lui légua un tableau par son testament du 12 janvier 1850 ;
– Sosthène de La Rochefoucauld de 1808 à 1810 ; après 1815, il voua à Zoé une amitié plus chaste pour un motif religieux ;
– Jean-Marie Savary, duc de Rovigo, de 1810 à 1812;
– Maurice de Balincourt en 1813, bellâtre de vingt-trois ans, qui ravageait les cœurs des femmes esseulées ; Zoé fit vite le tour de cet inconsistant personnage.
« Robinson »
L’intimité de Louis XVIII et de Zoé fit du chancelier Dambray le héros involontaire d’une petite mésaventure. Il entra un jour dans le cabinet où travaillait le roi, peu avant l’arrivée de Mme du Cayla. Le roi s’y méprit et, sans lever les yeux, demanda distraitement : « Est-ce vous, ma petite Zoé ? » L’histoire divertit beaucoup la cour,
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