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Favorites et dames de coeur

Favorites et dames de coeur

Titel: Favorites et dames de coeur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pascal Arnoux
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choqué l’opinion. Elle logea donc en un hôtel particulier, 14 rue du Cirque, élevant avec son fils Martin les deux bâtards qu’il avait eu en captivité 262 . Louis-Napoléon aimait certes sa belle « dame de cœur », mais, de tempérament très ardent, il la trompa maintes fois.
    Discrète à Paris, leur liaison était plus visible lors des voyages officiels. L’été 1849, à Tours, Elizabeth-Ann logea chez le receveur général des finances, alors absent. Austère protestant, ce digne fonctionnaire, qu’on croirait sorti d’un roman de Flaubert, s’indigna vertueusement que sa demeure eût été « souillée » durant son absence: « Serions-nous revenus à cette époque où les maîtresses des rois promenaient leurs scandales à travers les villes de France ?  », écrivit-il en haut lieu. En fait de scandale, il n’y avait pourtant pas de quoi fouetter un chat : les deux amants étant célibataires, leur liaison ne portait tort à personne, précisa le président. Il blâma ouvertement cette « vertu guindée » , abritée derrière une fausse idée de la charité chrétienne. Puis il consola sa « chaîne anglaise » par l’octroi d’un appartement au château de Saint-Cloud.
    L’hypocrisie bourgeoise née de la révolution de 1789 régnait alors, c’est le cas de le dire, en maîtresse. De rigoureux défenseurs de la loi, de l’ordre, de la morale et de la religion stigmatisaient le libertinage aristocratique du XVIII e siècle ; mais certains d’entre ces respectables censeurs se ruinaient pour des « cocottes » dénuées de scrupules, ou s’intéressaient de fort près à la jeunesse, entretenant des danseuses de l’Opéra qui auraient pu être leurs petites-filles…
    Vers les marches du trône ?
    Le président voyait son mandat toucher à sa fin et la Constitution ne lui permettait pas d’en briguer un second. Il épuisa toutes les tentatives légales de révision avant d’opter pour le coup de force. Pour le réaliser, il avait besoin d’argent et se tourna à nouveau vers Elizabeth-Ann. Celle-ci vendit ses chevaux et hypothéqua ses biens pour l’homme qu’elle aimait. Grâce à cet apport, le coup d’État du 2 décembre 1851 réussit au-delà de tout espoir et l’opinion l’approuva massivement. Le zèle intempestif du ministre Persigny força Louis-Napoléon à rétablir l’empire contre son vœu initial (7 novembre 1852). Il adopta alors le nom de « Napoléon III ».
    Elizabeth-Ann se prit à rêver : pourquoi ne serait-elle pas la future impératrice des Français ? Depuis le coup d’État, elle n’hésitait plus à se montrer et exigeait une considération accrue ; bravant les critiques, elle apparut vêtue comme une reine dans la grande loge de l’Opéra aux côtés de Louis-Napoléon (28 octobre 1852). Ayant aidé son ascension, elle crut naïvement qu’il l’épouserait par gratitude autant que par amour ; questionné à ce sujet, le prince répondit par des phrases évasives et à double sens, qui prêtaient à confusion. Pourtant très fine, elle ne vit pas qu’il souffrait du complexe de l’aventurier : son passé de carbonaro, ses piteuses tentatives de coups d’État contre Louis-Philippe 263 ne rehaussaient pas son prestige auprès des monarchies européennes. Son patronyme leur rappelait en outre de cuisants souvenirs : elles avaient pâti des conquêtes de l’oncle quatre ou cinq décennies plus tôt ; l’arrivée du neveu les inquiétait. Napoléon III comprit qu’il devait rassurer ces cours étrangères et choisir une épouse digne de la quatrième dynastie. Elizabeth-Ann était certes présentable et l’aimait avec passion, mais son curriculum vitæ galant ne correspondait pas exactement à l’idée que le public se faisait d’une future impératrice des Français…
    Napoléon III se lassait également de la belle Anglaise et ne se résolvait pas à le lui avouer. Tenue en lisière par la société parisienne, Elizabeth-Ann était peu appréciée des familiers impériaux : cousine de Louis-Napoléon, la princesse Mathilde 264 la détestait et la jalousait, l’accusant d’ambition personnelle. Elle lui suscita des rivales et crut bon de présenter au chef de l’État une jeune Espagnole de vingt-cinq ans, Eugenia de Montijo, avec le vain espoir qu’elle devînt sa maîtresse (1852). Elizabeth-Ann crut qu’Eugenia était une simple amourette et ne se méfia pas.
    Le projet de mariage impérial agitait les

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