FBI

golfs de la région. Il a la gouaille, la nonchalance et le savoir-faire des « affranchis » qui ont grandi à l’ombre de la Mafia. Mais Tony Amoroso est de l’autre côté de la barrière : il a rejoint le FBI le 24 février 1964. L’a-t-il vraiment quitté depuis ? Après sa retraite, il est devenu détective privé et travaille avec ses anciens collègues, avec qui il passe régulièrement ses vacances dans un petit chalet perdu dans les bois de l’État de New York. Au menu, bière, pêche et Fidélité avec un F majuscule, comme dans FBI. Avec son ancien chef, John Good, il se souvient du bon vieux temps, celui où il traquait les pilleurs de camions en compagnie de Joe Pistone. Quand Pistone est parti infiltrer la famille Bonanno, Amoroso et Good ont lancé leur propre opération d’infiltration de la Mafia, sans se douter qu’elle allait les conduire au cœur même du pouvoir politique, à Washington.
    Tout commence par une rencontre entre John Good et un escroc de génie, Melvin Weinberg. Weinberg est, à ses heures, informateur de l’agent résident du bureau de Hauppauge, sur l’île de Long Island. Il faut s’accrocher pour s’occuper de Melvin Weinberg, entre ses trafics à la petite semaine et sa vie sentimentale agitée, qui oscille entre une épouse dépressive et une petite amie envahissante qu’il a toutes deux installées dans la même rue. John Good s’accroche : Melvin Weinberg est en contact avec une bande d’« affranchis » spécialisés dans les vols de tableaux, tapis et meubles de collection, ainsi que dans les faux titres.
    Neil Welch, le directeur du bureau de New York, approuve l’opération et décide d’y affecter une bonne partie des ressources du Bureau. Il mobilise des centaines d’agents et s’adresse au plus agressif des procureurs, celui qui est chargé de la lutte contre la criminalité organisée à Brooklyn, au cœur de l’empire du Mal. Fort de ses précédentes expériences à Buffalo et à Detroit, Welch dote ses hommes d’équipements dernier cri : à eux les plus belles voitures, le meilleur matériel d’écoute, les bateaux les plus voyants. On pourrait y voir les caprices d’un directeur coupé de Washington, mais il n’en est rien : ce sont les accessoires indispensables d’une opération bénie par le directeur du FBI. Pour piéger les « affranchis » de Mel Weinberg, John Good invente un cheik arabe qui cherche à dépenser ses pétrodollars en œuvres d’art et qui n’est pas trop regardant sur leur provenance. L’opération est baptisée « Abscam », « Arab Scam », ou « Embrouille arabe ». Melvin Weinberg et ses agents créent à cette fin une société, l’Abdul Entreprise Ldt, qui a pignon sur rue à Long Island.
    « Mel Weinberg avait carte blanche pour apporter des affaires, explique John Good. On était ouverts à toutes les propositions. » « Abscam » passe à la vitesse supérieure avec l’arrivée d’un homme d’influence et de réseaux, le maire du port de Camden, dans le New Jersey, Angelo Errichetti. John Good chasse le gros gibier. Il a besoin d’avoir à ses côtés un homme de confiance susceptible de jouer le rôle d’intermédiaire véreux. Il offre ce rôle à son vieux compagnon d’armes Tony Amoroso, qui se languit au quartier général du FBI à Washington, où il a rang de superviseur au sein de la division « Crime organisé ». Avant d’accepter, Tony Amoroso demande à rencontrer Mel Weinberg. « Si je ne m’entends pas avec l’informateur, ce n’est pas la peine de commencer », dit-il à John Good. En réalité, Tony Amoroso se méfie. Le Bureau a déjà employé Melvin Weinberg comme informateur, mais a décidé de se passer de ses services quand il s’est aperçu que l’escroc en profitait pour se payer sur le dos de la bête. Mais deux gamins de New York comme Amoroso et Weinberg ne peuvent que s’entendre. Amoroso rejoint « Abscam », mais pose une condition à Good : « John, tu ne donnes que 1 000 dollars par mois à Weinberg. Il faut lui en donner 3 000. Comme ça, on l’empêchera peut-être de voler. Ton informateur, il fait vivre une femme, des enfants, une petite amie. Avec 1 000 dollars par mois, il n’y arrivera pas ! »
    John Good accepte dans un éclat de rire, mais, à compter de ce jour, Melvin Weinberg est surveillé en permanence par des agents du FBI.
    Au début, « Abscam » a du mal à décoller. Tony Amoroso se glisse dans la