FBI

rencontrés pendant « Coldwater », mais leurs rencontres se sont intensifiées après la fin de l’opération : « Howard Teten essayait de comprendre nos motivations, raconte Ed Robb. Il voulait comprendre ce qui fait qu’une opération d’infiltration est un succès ou un échec. Comment effectuer la sélection. Comment repérer les agents qui vont tenir le coup et ceux qui vont craquer. Moi, je gardais toujours le contrôle de la situation. Vous savez, on mène une vie très séduisante. Vous avez des milliers de dollars en poche, vous conduisez des voitures de luxe. À Miami, je logeais dans l’appartement de Sammy Davis Junior, et j’étais traité comme un parrain. Quand je rentrais dans certains night-clubs, en Floride, le pianiste commençait à jouer l’air principal du film Le Parrain … »
    Même la personnalité d’agents aussi solides qu’Ed Robb finit par se trouver modifiée : « Une fois la mission terminée, à peine rentré chez moi, j’ai commencé à faire des choses étranges. J’ai acheté une grosse Cadillac, alors qu’avant j’aimais plutôt les petites voitures japonaises. Je m’habillais comme un mafieux, j’achetais des vêtements italiens très coûteux et très voyants, des chaussures à talons compensés, des bijoux en or très clinquants… »
    Howard Teten étudie à fond les cas Pistone et Robb, cherchant systématiquement la faille. Puis il s’adresse aux autres agences gouvernementales qui ont recours à ce genre de techniques (CIA, DEA, IRS, DIA) et interroge autant d’infiltrés qu’il le peut. Il a rédigé un « Programme de sauvegarde » destiné à protéger la santé mentale des agents infiltrés, dont le FBI se sert depuis lors.
    Il est toutefois une chose dont Howard Teten n’a pas tenu compte dans son « Programme de sauvegarde » : la bêtise de la bureaucratie. Après avoir témoigné, Joe Pistone a été affecté au bureau de Dallas. Ce bureau s’était à peine remis de la tempête qui avait suivi la réouverture de l’enquête sur l’assassinat du président Kennedy à la fin des années 1970, et il n’avait pas encore commencé d’enquêter sur ce qui allait être le scandale du siècle aux États-Unis : la banqueroute des caisses d’épargne des Saving and Loans (S&L). Avant même l’arrivée de Joe Pistone, le SAC de Dallas, Tom Kelly, a fait savoir à ses hommes qu’il n’y avait pas place pour des « prima donna » dans son bureau. Joe Pistone, lui, ne demandait pas mieux que de faire son travail normalement. En revanche, il ne s’attendait pas aux brimades ni aux vexations qui se sont abattues sur lui. Le comble a été atteint quand Tom Kelly l’a prié d’aller superviser une opération d’infiltration en cours dans… une prison fédérale ! Pas vraiment le genre d’endroit où il fait bon traîner après avoir infiltré la Mafia pendant six ans. Après avoir découvert que Kelly bénéficiait du soutien de sa hiérarchie, Pistone a démissionné du Bureau, en 1986, pour écrire ses mémoires dont on a tiré le film Donnie Brasco . Le film fut un triomphe, et les mémoires un best-seller.
    Six ans plus tard, Joe Pistone a demandé à réintégrer le FBI – ce qu’il a fait non sans être retourné à l’école des agents de Quantico, dirigée alors par son ami Tony Daniels, l’ancien architecte de « Coldwater ». Mais le retour au Bureau a été pénible. Il a été affecté à l’école de Quantico, où il a fait profiter les élèves agents de son expérience. Ne se reconnaissant plus dans un FBI qu’il jugeait trop bureaucratique, il a fini par démissionner pour de bon.
    1- Dépêche Associate Press, in The Diary Capital News , Jefferson City, Ma, 10 mai 1967.

VIII
     
    Corruptions (1922-1990)
     
    Où l’on remonte dans le temps avec l’affaire du Dôme de la Théière – On fait la connaissance de Cheiks arabes de pacotille et des politiciens véreux d’Abscam – Où le lecteur découvre les faux criminels du FBI et les juges ripoux de Greylord – On reparle de l’Entreprise de Chicago à l’occasion de l’opération Gambat.
     
    L’affaire du Dôme de la Théière
     
    En 1922, une rumeur se répand dans Washington : des ministres de l’administration Harding ont fait main basse sur des champs de pétrole appartenant au gouvernement des États-Unis, et en ont confié l’exploitation à des particuliers en échange de pots-de-vin conséquents. Situés en Californie, dans les