FBI

il sera relâché six ans plus tard, à l’occasion d’une amnistie, pour être exfiltré avec sa famille aux États-Unis par la CIA.
    Les deux dernières taupes dénoncées par Robert Hanssen n’ont pas eu cette chance-là. En livrant au KGB les noms du lieutenant-colonel Valeri Martinov (« Pimenta ») et du major Serguei Motorine (« Megas »), Hanssen ignore qu’il a été devancé de quelques mois par un autre traître : l’agent de la CIA Aldrich Ames. Serguei Motorine se trouve déjà à Moscou quand le KGB apprend sa félonie. Il est arrêté en décembre 1985. Pendant quelque temps, il téléphone régulièrement à sa petite amie, restée aux États-Unis. Le FBI écoute et découvre que « Pimenta » est contrôlé par les Soviétiques. Motorine est exécuté peu après un dernier appel téléphonique, en février 1987.
    Pour rapatrier Valeri Martinov, le KGB a recours à une ruse. Le 6 novembre 1985, le lieutenant-colonel est chargé d’escorter à Moscou le « transfuge » Vitali Iourtchenko après qu’il a faussé compagnie à ses anges gardiens de la CIA dans un restaurant de Georgetown. Il est arrêté dès son arrivée à Moscou et conduit à Lefortovo, la prison des espions. Le 28 mai 1987, Martinov est fusillé par un peloton d’exécution. Il avait quarante et un ans.
    En échange de ses informations, Robert Hanssen réclame 100 000 dollars. Le KGB ne lui en verse que 50 000, la même somme que celle allouée à Aldrich Ames. « C’est de bonne guerre, commente Tom Burns, l’ancien supérieur de Robert Hanssen au sein de la division Contre-espionnage du FBI. S’ils lui en avaient donné 100 000, ils auraient couru le risque de ne plus le revoir… »
    Robert Hanssen remercie le KGB sans se plaindre : traître, mais bien élevé. Prudent, il entend vivre le plus longtemps possible. Pour cela, il use de techniques aussi vieilles que le métier d’espion. D’abord, faire en sorte que les Soviétiques ignorent jusqu’à son identité : il ne les rencontrera jamais. Au début, il évite même les contacts téléphoniques. Par la suite, en cas d’urgence, les agents du KGB et lui communiquent en se servant de cabines téléphoniques. Mais la plupart des communications se font par courrier ou par une signalétique visuelle soigneusement étudiée (marques à la craie ou au papier adhésif, petites annonces dans les journaux, etc.). Les documents ou l’argent sont « abandonnés » dans la nature en attendant d’être récupérés. Pour se protéger, Robert Hanssen se dissimule derrière le nom de Ramon Garcia, pseudonyme avec lequel il signe ses messages au KGB.
    Ce que le Bureau ne voit pas
     
    S’il peut tromper pour un temps le FBI et la CIA, Robert Hanssen ne peut tromper tout le temps son épouse. Bonnie Hanssen a commencé à s’inquiéter du jour où son mari a cessé brutalement de communier et de se rendre à l’église, comme il le faisait presque tous les jours. Des gestes lourds de signification pour un converti par amour, paroissien zélé depuis son mariage. Quand elle s’est aperçue que son époux se cachait pour rédiger une lettre, elle a pensé : « Il a une aventure avec une autre femme. » Robert Hanssen lui avoue alors la vérité : il vend les secrets du FBI aux Soviétiques. Effondrée, Bonnie le traîne chez un prêtre de leurs amis, membre comme eux de l’Opus Dei. L’homme d’Église conseille à Hanssen de se livrer au FBI et de prier pour le pardon divin. Mais, après une nuit de réflexion, le prêtre se ravise et téléphone à Hanssen : il y a une autre solution. Au lieu de se rendre aux autorités, l’agent n’a qu’à verser une certaine somme d’argent à l’organisation caritative de Mère Teresa.
    Faut-il croire Hanssen quand il dit l’avoir fait ? En tout cas, Bonnie Hanssen croit son mari quand il jure sur ce qu’il a de plus sacré que plus jamais il ne trahira son pays. Elle a tort…
    Robert Hanssen est l’archétype même du traître. Mais, pour lui, la trahison semble être une forme de transgression. Il trahit son pays, mais il trahit aussi sa femme. Ce bon catholique, père de famille exemplaire, multiplie les jeux dangereux. Qu’il prenne pour maîtresse une strip-teaseuse est un classique du genre. En revanche, les jeux sexuels dans lesquels il entraîne son meilleur ami sont plus originaux, puisqu’il convie régulièrement celui-ci à assister discrètement aux ébats sexuels des époux