FBI

Bamford, spécialiste du renseignement, a interviewé à Moscou Viktor Tcherkachine, l’ancien rezident du KGB à Washington, chargé un temps de gérer la taupe. Hanssen interroge longuement Bamford sur Tcherkachine et essaie de se procurer la transcription de l’entretien réalisé pour le compte de la chaîne de télévision américaine ABC.
    Régulièrement, Robert Hanssen interroge la banque de données du FBI. Les demandes sont anonymes : « Les agents du contre-espionnage sont censés être les chasseurs, pas la proie », explique David Wise dans son remarquable ouvrage consacré à Hanssen. Dans ses recherches, Hanssen entre comme mots-clés son pseudo, Ramon Garcia, les lieux où se trouvent les boîtes aux lettres dont il se sert pour communiquer avec le KGB, mais il ne trouve rien. En 1999, après huit années de silence, la taupe refait surface en passant une petite annonce dans un quotidien américain, comme à chacune de ses demandes de contact passées. Quelques jours plus tard, les agents du FSB répondent. La taupe et ses agents traitants conviennent d’un échange (documents contre argent) au pied de poteaux indicateurs, dans le parc de Foxstone, en Virginie.
    Depuis que Robert Hanssen a supervisé la première étude du FBI sur l’existence d’une taupe soviétique à l’intérieur du Bureau, en 1988, la paranoïa y a monté de plusieurs degrés. Les chasses aux traîtres se sont multipliées. L’arrestation en 1994 d’Aldrich Ames, taupe du KGB au sein de la CIA, a momentanément calmé le jeu. Mais, rapidement, les responsables du contre-espionnage du FBI se sont aperçus qu’Ames n’était pas le traître qu’ils recherchaient. Quelqu’un d’autre avait vendu au KGB des secrets auxquels Ames n’avait pas accès.
    Opération « Grayday »
     
    Robert Hanssen trahit son existence en 1989. Il prévient le KGB que le FBI s’intéresse de près aux agissements de Felix Bloch, diplomate américain soupçonné de trahir son pays au profit de l’URSS. Quelque temps plus tard, le diplomate reçoit un appel téléphonique lui indiquant que son « ami » ne pourra plus le voir, car il est « malade ». L’étrange interlocuteur parle d’un « mal mystérieux » qui se répand, ajoutant qu’il se fait du souci pour sa santé. Pour le FBI, le sens de l’appel est clair : le KGB informe sa taupe que les contacts sont rompus. Le Bureau y voit également une preuve supplémentaire de la présence d’un traître dans ses rangs. La chasse reprend alors de plus belle. Elle va durer onze ans, épuiser des dizaines d’agents du FBI et de la CIA, entraîner l’arrestation de Harold Nicholson, un agent de la CIA, d’un autre agent du Bureau, Earl Pitts, et d’un troisième appartenant à la NSA, David Shelond Boon. Mais toujours pas celle de Robert Hanssen !
    À la fin des années 1990, le directeur du Bureau, Louis Freeh, et celui de la CIA, George Tennet, lancent une nouvelle chasse à la taupe, baptisée « opération Grayday ». La tête du traître est mise à prix. Les agents de la CIA et du FBI contactent tous les agents du KGB et du GRU qu’ils peuvent, et leur promettent un million de dollars en échange de l’identité du traître. Le rezident du KGB à Washington est approché dans un supermarché Safeway de Georgetown, à quelques blocs de l’ambassade soviétique. Flatté, il décline. Le FBI profite de la visite à Washington de son prédécesseur, Viktor Tcherkachine, pour lui faire la même proposition, sans plus de succès.
    Parmi toutes les cibles de « Grayday », le FBI s’intéresse à un ancien agent du KGB qui a opéré à Washington. L’homme vit à Moscou. Les agents de la CIA et du FBI qui surveillent sa résidence apprennent qu’il envisage de créer une filiale américaine de sa petite entreprise. Un industriel ami du FBI contacte l’ex-agent du KGB, qui doit se rendre à New York. Là l’attend un agent du FBI : la négociation commence.
    L’ex-agent du KGB a entendu parler de la taupe. S’il ignore son identité, il connaît son nom d’emprunt : Ramon Garcia. Mieux : il peut conduire le FBI jusqu’au seuil de sa tanière. En 1991, il a travaillé à la Première Direction du KGB, celle chargée de l’espionnage à l’étranger. Avant de partir à la retraite, il a retiré des archives le dossier de « Ramon Garcia », avec l’arrière-pensée de le vendre : c’est juste une question de prix. Les négociations sont longues et