FBI

Hanssen sans que Bonnie en soit informée. Pour ce faire, il installe dans la chambre à coucher familiale une petite caméra reliée à un circuit intérieur de télévision. Dissimulé dans la cave, son ami peut ainsi suivre le spectacle à son aise.
    Si, au début, Robert Hanssen trahit pour de l’argent, ce n’est plus le cas quand il prend contact pour la seconde fois avec les Soviétiques. Il réside à Washington et son salaire suffit à le faire vivre, lui et sa famille. Il touche plus de 600 000 dollars en cash. Au début de 1990, il a réclamé en vain l’ouverture de comptes en Suisse ; les Soviétiques ont refusé, affirmant que le secret bancaire n’existait déjà plus dans la Confédération. En revanche, le KGB place 800 000 dollars sur un compte à son nom dans une banque de Moscou.
    Robert Hanssen dépense sans compter. Il couvre de bijoux sa maîtresse, l’emmène en voyage à Hong Kong. Il s’achète une Rolex en or, trop voyante au goût de son épouse qui le somme de la rendre. Il offre la montre à l’un de ses collègues en affirmant qu’il s’agit d’une copie. Son beau-frère, lui aussi agent du FBI, finit par avoir des doutes après que sa femme a aperçu des liasses de billets de 1 000 dollars dans un vide-poche chez les Hanssen. Il en parle à son SAC, responsable du bureau de Chicago. Mais rien ne se passe.
    Robert Hanssen remet aux Soviétiques plus de 6 000 pages de documents top-secret. Certains concernent le dispositif nucléaire américain et les positions de satellites. La plupart proviennent de la banque de données du FBI, où Hanssen les a téléchargés. Il pirate également les ordinateurs de certains de ses collègues. Au début, il remet au KGB des photocopies de documents ; par la suite, il fera des copies digitales qu’il transmettra sur disques.
    Au début des années 1990, il dénonce trois nouvelles taupes recrutées par le FBI ; il signale aussi le nom des cibles potentielles du Bureau et transmet toutes les informations qu’il peut sur les transfuges soviétiques aux États-Unis. Avant cela, le 25 septembre 1989, Robert Hanssen a révélé au KGB l’existence d’un tunnel, creusé par le FBI, permettant d’espionner la nouvelle ambassade soviétique construite sur les hauteurs de Washington en 1981. Baptisé « Monopoly », ce tunnel aboutit juste au-dessous de la salle du chiffre de l’ambassade. « Monopoly » est une des opérations d’espionnage les plus onéreuses jamais lancées par le Bureau.
    Paranoïa
     
    Le 19 août 1991, un groupe de partisans de la ligne « dure » du Parti communiste d’Union soviétique tente de reprendre le pouvoir à Moscou. Après avoir annoncé qu’ils déposaient le numéro un, Mikhaïl Gorbatchev, les putschistes essaient de s’assurer le contrôle du pays. Les responsables du coup d’État sont des conservateurs qui estiment que le programme de réformes de Gorbatchev est allé trop loin, et que le nouveau traité d’Union, tout juste négocié, entame trop le pouvoir du gouvernement central, le dispersant au profit des républiques qui composaient jusque-là l’URSS. Le coup d’État échoue au bout de trois jours, et Gorbatchev retrouve le pouvoir. L’Union soviétique a vécu – le KGB aussi, remplacé par le FSB, Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie.
    Dans les bureaux du FBI et de la CIA, on sable le champagne et fête la fin de l’ennemi soviétique. Robert Hanssen affiche une joie de façade. Il sait que, avec la disparition du système en place à Moscou, la Russie va découvrir les joies et les peines du libre marché. Désormais, de l’autre côté du rideau de fer, l’heure est au capitalisme sauvage : tout va être à vendre, à commencer par l’identité de la taupe qui trahit le FBI depuis plus d’une décennie !
    Robert Hanssen se met en hibernation. Rien ne se passe. Il attend deux ans avant de reprendre contact. En 1993, il rassemble une liasse de documents secrets pour tenter de les vendre aux Russes. Se méfiant du FSB, il essaie de renouer avec le GRU. Un matin, ses documents sous le bras, il aborde un des agents russes qui monte dans sa voiture dans le garage de l’immeuble où il vit.
    « Je suis Ramon Garcia, lui dit-il. J’ai des documents pour vous. »
    Croyant à une provocation, l’agent du GRU part sans souffler mot.
    Avant de faire une seconde tentative, Robert Hanssen tâte le terrain. Un de ses amis journalistes, James