FBI

Hanssen.
    À peine recruté par le GRU, Hanssen révèle l’existence de « Tophat » et livre son nom. En trahissant « Tophat », il obéit à un autre motif que l’argent : « Hanssen a livré l’identité de “Tophat” parce qu’il craignait que l’officier soviétique ne soit pour lui une menace », précise l’ancien directeur du FBI, William Webster, chargé d’enquêter sur l’affaire. Poliakov aurait pu, en effet, informer le FBI de la trahison de Hanssen. L’agent du FBI sait que Poliakov sera exécuté s’il est démasqué. Par la suite, dans une note rédigée à l’intention de ses agents traitants soviétiques, Hanssen parle de « risques pour sa sécurité ». En tête, il place les taupes du FBI et de la CIA à l’intérieur des services soviétiques. Vu les risques potentiels qu’elles lui font courir, le plus sûr est de les faire exécuter.
    Il se passe alors quelque chose d’incompréhensible : rien ! Le GRU ne fait rien. Peu après, le général Poliakov est rappelé à Moscou, où l’attend une nouvelle affectation. Pourquoi le GRU n’a-t-il pas réagi ? Peut-être parce qu’il ne prend pas encore Hanssen au sérieux. Dans un courrier, l’agent du FBI ne se plaint-il pas alors de la faiblesse de sa rémunération ?
    En janvier 1981, Robert Hanssen grimpe dans la hiérarchie du FBI : il est promu superviseur, avant d’être muté au Quartier général, où il travaille pour l’unité chargée du budget du contre-espionnage. Il fait son miel des informations qui lui passent entre les mains. Il est au courant des dernières découvertes technologiques en matière de communications, développées par le Bureau. Il voit régulièrement ses anciens collègues du contre-espionnage. L’air de ne pas y toucher, il accumule les renseignements. Il a alors coupé le contact avec les Soviétiques. Il entend bien le renouer dès que possible, d’autant plus qu’en 1983 il s’en retourne au contre-espionnage, cette fois à l’unité CI-3A, chargée d’étudier les activités des agents du KGB et du GRU aux États-Unis. Il n’a pas accès aux noms des taupes recrutées par le KGB ou le GRU, mais, en lisant les rapports de ses collègues, il déduit sans mal leurs identités. Les techniques de surveillance dont se servent le FBI et la CIA n’ont plus de secrets pour lui. Il est prêt à entrer à nouveau en contact avec les Soviétiques quand il retourne à New York, en 1985, au plus fort de l’« année des espions ».
    Le 1 er  octobre 1985, il envoie une grosse enveloppe d’un bureau de poste du comté de Prince George, dans le Maryland, adressée à un petit fonctionnaire du KGB résidant à Alexandria, en Virginie. À l’intérieur se trouve une autre enveloppe avec la mention : « Ne pas ouvrir : remettre à Viktor Tcherkachine », c’est-à-dire au rezident du KGB à Washington. Dans sa missive, Robert Hanssen dénonce quatre taupes recrutées par le FBI au sein du KGB et du GRU.
    Pour la seconde fois, Hanssen dénonce le général Poliakov, « Tophat ». En s’adressant au KGB plutôt qu’au GRU, il sait que, cette fois, les choses vont bouger. Il n’a pas tort : peu après, le général Poliakov revêt son uniforme, ajuste ses décorations et se rend au siège du GRU où il a été convoqué pour participer au pot d’adieux d’un de ses collègues. Il se doute de ce qui l’attend : depuis deux jours, des ambulances sont garées devant sa datcha, signe qu’il est surveillé. Il est intercepté dans le hall du GRU par des militaires qui le fouillent, lui arrachent ses décorations, lui enlèvent son uniforme et le conduisent à la prison de Lefortovo, où il est exécuté. Peu après, un de ses fils, lui aussi agent du GRU, se suicide.
    La seconde taupe dénoncée par Robert Hanssen s’appelle Boris Ioujine. Officier du KGB basé à San Francisco, Ioujine opère sous la couverture de correspondant de l’agence Tass. Baptisé « Rampaige » par le FBI, il a fourni les informations qui ont entraîné l’arrestation du diplomate norvégien Arne Treholt, accusé d’intelligence avec l’ennemi. Ioujine est un des espions les plus maladroits de l’histoire : il a failli se faire arrêter après avoir perdu, au consulat soviétique de San Francisco, le briquet-caméra que lui a procuré la CIA ! Maladroit, mais pas malchanceux : arrêté en décembre 1986 par le KGB, il a la chance, si l’on peut dire, d’être envoyé au Goulag ;