FBI

collimateur un agent de la CIA, Aldrich Ames. Intrigué par les fréquentes visites d’Ames à l’ambassade soviétique à Washington, le Bureau demande à l’Agence d’enquêter. Celle-ci ne le fait pas. La CIA aurait pu se réveiller trois ans plus tôt et enquêter sur Ames à la suite de la dénonciation d’une de ses collègues qu’étonnaient son train de vie et sa luxueuse villa, payée 540 000 dollars en liquide. Mais les enquêteurs de la CIA ont classé l’affaire : ils ont cru Ames quand il a justifié ses dépenses par la fortune personnelle de son épouse colombienne.
    Quatre ans plus tard, en avril 1991, un agent de la CIA contacte officieusement le contre-espionnage du Bureau. Les dégâts à l’intérieur de l’Agence sont encore plus importants que le Bureau ne le pensait. La CIA a perdu une dizaine de taupes recrutées au sein du KGB. Une nouvelle unité d’intervention est créée. Elle rassemble les enquêteurs de deux des sections d’intervention de pointe de la CIA (Skylight) et du Bureau (Playactor). En août 1991, l’unité a dressé une liste de vingt-neuf suspects. En tête, un agent chevronné de la CIA : Aldrich Ames.
    Au bout de quelques semaines, le Bureau et l’Agence concluent qu’Ames est bien la taupe qu’ils recherchent. Il a déjà des dizaines de morts sur la conscience. Le FBI et la CIA lancent l’opération « Nightmover », destinée à coincer le traître en flagrant délit. Des dizaines d’Agents spéciaux suivent Ames lors de ses déplacements à Washington et en Virginie. Ils le voient faire la tournée de ses boîtes à lettres. L’agent de la CIA est sur ses gardes et « casse » sans mal les filatures. Le responsable de l’enquête, Robert « Bear » Bryant, assistant du directeur du FBI en charge du contre-espionnage, ordonne à ses agents de faire régulièrement les poubelles d’Ames, avant de se raviser : c’est l’été, il fait très chaud en Virginie, et il a peur que des voisins n’entendent les agents du FBI rôder autour des boîtes d’ordures.
    La surveillance et la filature ne donnent toujours rien. Un Agent spécial désobéit aux ordres de Bryant et fait les poubelles d’Ames. Le résultat passe toutes les attentes. Les Agents spéciaux trouvent d’abord un post-it déchiré en plusieurs morceaux : c’est le brouillon d’une note adressée par Ames à ses agents traitants du KGB demandant une rencontre à Bogota afin de récupérer de l’argent. Peu après, étant retournés faire les poubelles, les agents découvrent un ruban de machine à écrire qu’ils lisent en se servant d’un miroir. Il s’agit d’un rapport de cinq pages farci de données confidentielles. Le 21 février 1994, après trois ans de surveillance, le FBI arrête Aldrich Ames. Un an plus tard, il est condamné à la prison perpétuelle.
    L’affaire Ames est le révélateur des divisions au sein du monde du renseignement américain. Sans le mur séparant le FBI et la CIA, la taupe aurait été démasquée peu après avoir proposé ses services au KGB en 1986. Des dizaines de vies auraient pu être sauvées. Saisi tardivement du dossier, le FBI n’en a pas moins mis près de trois ans avant d’aboutir. Trois précieuses années durant lesquelles la taupe a continué de sévir. Mais tous ces reproches ne sont encore rien par rapport au nouveau séisme qui se prépare et qui va secouer le Bureau.
     
    Aldrich Ames a accepté de collaborer avec le FBI et la CIA afin que son épouse ne soit pas condamnée trop lourdement. Il leur a livré tous les secrets de sa trahison. À l’issue de ses confessions, la CIA et le FBI s’aperçoivent avec effarement qu’Ames n’a techniquement pas pu livrer aux Soviétiques tous les agents doubles travaillant pour le compte des Américains. Une autre taupe est à l’œuvre à Washington. Autrement plus redoutable, elle sévit depuis plus longtemps et est enterrée encore plus profond.
    Deux disparitions préoccupent particulièrement le FBI : celles des deux agents doubles de l’opération « Courtship », le lieutenant-colonel Valeri Martinov (« Pimenta ») et le major Serguei Motorine (« Megas »). Leurs agents traitants, qui les retrouvaient généralement dans des confiseries, les ont surnommés M&M’s. Seulement voilà : M&M’s ont disparu, engloutis dans ce grand néant qui sert de fosse commune aux victimes de la guerre froide. Un beau matin de 1986, ils ont reçu leur feuille de