FBI
spéciaux de Minneapolis se font moins précis, les accusations s’estompent, les explications s’embrouillent. En relisant le document préparé par Maltbie, un agent du FBI de Minneapolis s’exclame : « Avec ça, on va droit dans le mur ! »
Les agents de Minneapolis s’acharnent. Ils envisagent de placer dans la cellule de Moussaoui un « infiltré » qui parle parfaitement arabe, afin d’en apprendre un peu plus long sur les informations et les contacts du Français. Le 29 août 2001, ils soumettent l’idée au Quartier général qui répond, après avoir consulté « un spécialiste du terrorisme islamiste », que l’idée est « ridicule ».
Le 30 août, la police antiterroriste française (UCLAT-DNAT) communique au FBI de nouvelles informations sur Zakarias Moussaoui. Le jeune Français y est décrit comme un « stratège » de la terreur islamiste, sympathisant de la mouvance saoudienne des wahhabites, dont fait partie Oussama Ben Laden ; il a voyagé au Koweït, en Turquie et en Afghanistan.
Le jour même, l’Agent spécial Harry Samit informe Michael Maltbie de la teneur des informations fournies par les Français. Le responsable de la RFU reste droit dans ses bottes : il n’y a toujours pas de quoi solliciter un mandat FISA. Il n’envisage pas non plus de s’adresser à une cour de justice. Il a trop peur de se faire retoquer. Les agents du bureau de Minneapolis décident alors qu’il est temps de passer au « plan B »…
Harry Samit a compris qu’il n’obtiendrait pas l’aide de Washington. Or elle est indispensable, puisque sans elle il n’aura pas l’autorisation de fouiller les affaires et l’ordinateur de Zakarias Moussaoui. Le FBI de Minneapolis fait donc contacter discrètement la police française pour solliciter son aide. Si Moussaoui est expulsé vers la France, la Direction nationale des affaires antiterroristes (DNAT) de la police française est prête, elle, à fouiller ses affaires et son ordinateur, et à communiquer la teneur de ses découvertes au FBI de Minneapolis. Les policiers de la DNAT ont une marge de manœuvre bien plus grande que celle consentie à leurs homologues du Bureau. Le 30 août 2001, le FBI de Minneapolis enclenche la procédure d’expulsion de Zakarias Moussaoui. Prévue pour la fin du mois de septembre, elle sera annulée au lendemain des attentats du 11 Septembre, quand il sera trop tard.
Le 11 septembre, juste après le début de l’attaque, Coleen Rowley est au téléphone avec Michael Maltbie ; elle lui explique qu’il est essentiel d’obtenir l’autorisation de perquisitionner les affaires de Moussaoui. Le superviseur de la RFU maintient ses ordres :
« Ne faites rien ; cela pourrait avoir un impact sur des choses dont vous n’êtes pas informée.
– Ce serait une extraordinaire coïncidence si Moussaoui n’était pas mêlé aux attentats, rétorque Coleen Rowley.
– Coïncidence est bien le mot », lui répond le superviseur.
Avant de raccrocher, Michael Maltbie annonce qu’il va consulter un des avocats du Bureau sur l’opportunité de demander un mandat de perquisition au vu des nouveaux événements. Tandis que Coleen Rowley attend que le superviseur la rappelle, un autre agent du bureau de Minneapolis est en ligne avec David Frasca, responsable de la RFU. Frasca ne voit toujours pas ce qui, dans le dossier, lui permettrait de demander un mandat de perquisition. Il change toutefois d’avis quand il apprend qu’un avion de ligne a percuté de plein fouet le Pentagone.
Cinq ans plus tard, en mars 2006, au cours du procès de Zakarias Moussaoui, l’Agent spécial Harry Samit qualifie de « négligence criminelle » le refus du quartier général du FBI de demander un mandat de perquisition dès la fin août. Selon lui, le FBI a manqué une occasion unique d’enrayer les attentats du 11 Septembre. D’après l’agent du FBI, il y avait dans l’ordinateur de Moussaoui et dans ses effets personnels des éléments qui auraient pu permettre au FBI de remonter jusqu’à certains des pirates de l’air et au cerveau de l’opération, Khalid Sheik Mohammed, dont Moussaoui avait le numéro de téléphone.
Quelques jours après le 11 Septembre, le directeur du FBI, Robert Mueller, déclare publiquement que le FBI n’avait pas été prévenu et que, s’il avait disposé de suffisamment d’éléments, il aurait pu empêcher les attaques. Les Agents spéciaux de Minneapolis sont effondrés.
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