FBI
prétextes les plus futiles pour ne rien faire. On dit à Harry Samit qu’il s’agit peut-être d’un cas d’homonymie : « Moussaoui est peut-être un nom très répandu en France ? » Le « legat » de Paris vérifie dans l’annuaire téléphonique et ne trouve aucun Moussaoui dans Paris.
Washington finit par répondre qu’en tout état de cause il n’est pas question, avec un tel dossier, d’aller devant une cour fédérale, ni même devant une cour FISA. Si les agents de Minneapolis désirent poursuivre, libre à eux de suivre la filière traditionnelle qui passe par la National Security Law Unit du FBI, avant d’aller se perdre à l’Office of Intelligence and Policy Review du Département de la Justice, lequel transmettra le dossier, au bout de quelques mois, à une cour FISA.
Harry Samit a conscience que le temps lui est compté. De nouvelles informations en provenance de France confortent ses inquiétudes. Zakarias Moussaoui travaille étroitement avec un groupe terroriste tchétchène dirigé par l’émir Al-Khattab Ibn, dit Ibn Khattab. Michael Maltbie persiste : l’émir n’est pas une puissance étrangère, donc impossible de démarcher une cour FISA. En plus, il ne voit pas en quoi il y a urgence.
Le 22 août 2001, au quartier général du FBI, Rita Flack, responsable de la section Radical Fundamentalist Unit (RFU), vérifie les informations fournies par Harry Samit. Elle cherche dans les bases de données du Bureau s’il existe des informations concernant un « Ibn Khattab ». Le nom figure dans le fameux rapport du 10 juillet 2001 que l’Agent spécial de Phoenix Ken Williams consacre aux hommes d’Oussama Ben Laden qui suivent des cours de pilotage aux États-Unis. Un des suspects signalés par Williams a sur les murs de sa chambre à coucher une photo de Ben Laden et de l’émir Ibn Khattab. Rita Flack effectue une sortie papier du rapport. Les ordinateurs du FBI l’attestent. À quelles fins ? Interrogée ultérieurement par les inspecteurs de l’OIG du Département de la Justice, elle déclarera ne pas se souvenir d’avoir lu le rapport de Williams, et encore moins de l’avoir communiqué à ses collègues. Son supérieur, Michael Maltbie, qui a eu lui aussi entre les mains le rapport de Williams, affirmera ne pas l’avoir lu avant le 11 septembre 2001… !
Le 24 août, afin de contourner les réticences de Washington, les agents du FBI de Minneapolis alertent le Centre de contre-terrorisme de la CIA (CTC). Contrairement aux règles, ils le font de leur propre initiative, sans prévenir leurs supérieurs. Plus grave : dans un mail adressé à la CIA, un agent du FBI fait part de désaccords au sein du Bureau.
Michael Maltbie n’apprécie pas la démarche. Il envoie un mail aux agents du FBI de Minneapolis pour leur ordonner de transiter par lui s’ils ont besoin de contacter la CIA. « Les choses marchent mieux quand on se contacte de Quartier général à Quartier général », écrit-il.
Le 27 août, Michael Maltbie tance Harry Samit :
« Vous n’êtes arrivés qu’à un résultat : énerver les gens. Rien ne prouve que Moussaoui soit un terroriste. Vous avez juste un gars qui s’intéresse à un type d’avion, c’est tout ! »
L’Agent spécial de Minneapolis a du mal à garder son flegme :
« Bien, dit-il, mais nous voulons être sûrs, par exemple, qu’il n’ira pas s’emparer d’un avion pour le fracasser contre le World Trade Center ! »
Harry Samit a lâché le nom du World Trade Center dans le feu de la conversation. Pour lui, il s’agit juste de souligner l’importance de son argumentation. Il est loin de se douter que, quinze jours plus tard, Al Qaida fracassera deux avions de ligne contre les tours jumelles.
Au nom du principe de précaution, Michael Maltbie s’ingénie à minimiser les accusations portées par ses collègues de Minneapolis. Il réécrit les rapports destinés à la cour FISA. Il commence par supprimer toute référence à Oussama Ben Laden ; il expliquera par la suite avoir agi ainsi parce que le dirigeant d’Al Qaida n’est « pas une puissance étrangère ». Ensuite, il amoindrit la portée des présomptions retenues contre Zakarias Moussaoui. L’agent de Minneapolis accuse le jeune homme de se « préparer au combat » ; sous la plume de Maltbie, cela devient : « Il s’entraîne à des tactiques défensives. » Sous sa plume, les témoignages recueillis par les Agents
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