FBI
Apparemment, les informations concernant l’affaire Moussaoui n’ont pas été communiquées au directeur du FBI. Le mémo de l’Agent spécial Ken Williams, de Phoenix, non plus. Coleen Rowley et ses collègues essaient d’avertir le Directeur afin qu’il corrige ses propos en les atténuant. Rien n’y fait. Peu après, James T. Carruso, directeur adjoint en charge de la division Contre-terrorisme du FBI, affirme devant le Congrès que le Bureau a fait tout ce qu’il pouvait pour empêcher les attentats. « Quelqu’un, au Quartier général, a décidé de lever le pont-levis afin de protéger le FBI et d’éviter qu’il ne soit embarrassé », explique Coleen Rowley.
Coleen Rowley est convoquée huit mois plus tard devant la commission d’enquête sur le 11 Septembre instaurée par le Sénat et le Congrès. Le 21 mai 2002, avant son audition, elle rédige un long mémo d’une dizaine de pages adressé au directeur, Robert Mueller. « Le problème fondamental, y écrit-elle, est celui de l’intégrité, et concerne le cœur de la mission et du mandat du FBI. » Pesant soigneusement ses mots, elle dit ne pas oser employer le mot « dissimulation » pour caractériser l’affaire Moussaoui. Mais elle ne peut cacher son indignation en apprenant l’annonce de la récente promotion du SSA Michael Maltbie qui bloqua l’enquête du bureau de Minneapolis sur Moussaoui !
La presse américaine publie une copie du mémo. Coleen Rowley est propulsée à la une des journaux, qui parlent d’elle comme d’une « héroïne » de l’après-11 Septembre. Le magazine Time la nomme « femme de l’année », en compagnie de deux autres « déclencheurs d’alerte » : deux femmes qui ont dénoncé les fraudes au sein de deux grands groupes américains, Enron et World Com., avant leur faillite retentissante. À l’intérieur du Bureau, la réaction est vive. Ses supérieurs la menacent de sanctions, voire de poursuites judiciaires. Le président de l’Association des anciens agents du FBI la compare à Robert Hansen, l’Agent spécial du contre-espionnage qui a trahi les États-Unis au profit des Soviétiques ! « Au lieu d’aller voir les Russes, elle s’est rendue au Congrès », écrit-il dans la lettre d’information des vétérans du FBI. D’autres lui envoient des photocopies de la citation favorite de J. Edgar Hoover : « Si tu travailles pour un homme, au nom du Ciel, travaille pour lui, dis du bien de lui, et défends l’institution qu’il incarne. N’oublie pas qu’une once de loyauté vaut une livre d’intelligence ! »
Coleen Rowley prend sa retraite anticipée et quitte le Bureau, vaincue par les résistances de la machine bureaucratique.
Le Bureau a du mal à échapper à ses vieux démons. Par exemple, il peine à contenir l’explosion des écoutes téléphoniques, très souvent confiées à des officines privées. En janvier 2008, un audit interne révèle que les compagnies de télécommunications interrompent régulièrement les écoutes de terroristes présumés, parce que le Bureau n’acquitte pas ses factures ! L’audit montre que plus de la moitié des factures ne sont pas payées dans les délais, ce qui entraîne des interruptions d’écoutes. Certains impayés dépassent les 60 000 dollars. Dans d’autres cas, les lignes téléphoniques ouvertes pour communiquer les résultats des écoutes sont interrompues elles aussi pour retards de paiement. Le porte-parole du FBI affirme que la faute en incombe à un système financier « inadéquat ». Parmi toutes les critiques adressées au Bureau, il en est une qui lui va droit au cœur : elle émane de l’ACLU, l’American Civil Liberties Union, le plus farouche adversaire du FBI, qui demande la publication de l’audit interne, jugé « trop sensible » par la direction du FBI pour être rendu public : « Il semble que les compagnies téléphoniques croient le FBI quand il leur dit qu’il enverra plus tard les mandats nécessaires aux écoutes, mais qu’elles n’ont pas confiance en lui dès qu’il s’agit de parler argent », ironise un des responsable de l’ACLU, Michael German, vieille connaissance du Bureau.
Michael German, le sonneur d’alarme
Du plus loin qu’il se souvienne, la plus belle histoire d’amour de Michael German, c’est le FBI. À l’âge de cinq ans, il ne rêvait que de deux choses : faire son droit et devenir agent du FBI. Deux semaines après la fin
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