FBI
affaires de renseignement ou de sécurité nationale.
Coleen Rowley sait qu’il vaut mieux d’abord porter l’affaire devant la FISA : « S’ils la rejettent, il sera toujours possible de s’adresser à une cour fédérale. Impossible d’agir dans l’autre sens, car cela donnerait l’impression qu’on essaie de contourner une décision de la justice criminelle. » Pour elle, il y a dans le dossier assez d’éléments pour s’adresser à un juge FISA. Mais, à Washington, Michael Maltbie, superviseur (SSA : « Supervisory Special Agent ») de la Radical Fundamentalist Unit (RFU) au quartier général du FBI, n’est pas d’accord.
Michael Maltbie et Harry Samit ont déjà eu des mots, en 1999, à propos d’un citoyen américain, membre de la Garde nationale, qui s’était rendu en Afghanistan. Maltbie jugeait le dossier trop mince et craignait que l’affaire n’« embarrasse » le Bureau. Samit a dû batailler de longs mois avant d’obtenir gain de cause et de reprendre l’enquête, alors que la piste s’était « refroidie ».
Michael Maltbie étudie le dossier Zakarias Moussaoui et décrète qu’il n’y a pas de quoi justifier un mandat d’arrêt simple. Harry Samit ne renonce cependant pas : il entend s’adresser à l’un des juges de la FISA. Maltbie lui recommande alors la plus grande prudence : « Si la cour FISA rejette ta demande, cela pourrait nuire à ta carrière… »
« Le temps passait, se souvient Coleen Rowley, et les agents chargés du dossier s’arrachaient les cheveux, car ils étaient très inquiets. »
Coleen Rowley, qui a été en poste à Paris, connaît les arcanes du FBI mieux que quiconque. Elle sait que, par la filière officielle, elle n’aura pas de réponse avant de longs mois. Elle téléphone donc à Enrique Ghimenti, le « legat » en poste à l’ambassade des États-Unis à Paris, en soulignant l’urgence du dossier. Le « legat » se rend au siège de la DST, rue Nélaton, afin d’obtenir des précisions. La DST joue cartes sur table : elle a un dossier sur Zakarias Moussaoui, dont elle communique oralement les grandes lignes au « legat ». Le nom de Moussaoui figure bien dans une enquête diligentée par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière sur le recrutement d’islamistes partis s’entraîner en Afghanistan.
« L’ensemble des informations françaises est officiellement consigné dans deux notes datées des 29 et 30 août, et remises à Ghimenti, affirme l’hebdomadaire français L’Express . Moussaoui est avant tout présenté comme un “Afghan”, c’est-à-dire un activiste convaincu, formé au djihad dans des camps. Il a ainsi séjourné en 1999 en Afghanistan, où il a suivi une formation terroriste. Il a d’ailleurs été repéré à la maison des Algériens de Djalalabad, un “centre d’aiguillage” des stagiaires européens arrivant du Pakistan voisin. Moussaoui est également un prosélyte doté d’un certain charisme, remarquent les Français. Il a notamment fréquenté la mosquée de Baker Street, à Londres, lieu emblématique du salafisme. Enfin, le jeune homme est présenté comme le recruteur de l’un de ses amis de lycée, le Franco-Béninois converti à l’islam Xavier Tchilao Djaffo, alias Shaheed Masood al-Benin, vingt-neuf ans, djihadiste patenté, lui aussi : dans un premier temps, il a mis ses compétences en informatique au profit du commandant Khattab, animant notamment le site islamiste Qoqaz.net. Djaffo est mort au combat en compagnie de deux volontaires – un Algérien et un Bosniaque – alors qu’ils tentaient de forcer un barrage russe dans le sud de la Tchétchénie en avril 2000. »
De plus en plus inquiet, Harry Samit contacte à nouveau Washington. Zakarias Moussaoui est lié à des rebelles tchétchènes : pour Samit, cela suffit à justifier une demande devant une cour de justice FISA. Michael Maltbie n’est pas de cet avis, la loi est précise : pour obtenir un mandat FISA, il faut pouvoir prouver l’implication d’une « puissance » étrangère, et non pas de simples « rebelles ».
Pressés par le temps, redoutant l’imminence d’une attaque, les agents du FBI de Minneapolis font le siège de Washington. L’enquête interne établira qu’ils ont envoyé au moins soixante mails suppliant le Quartier général de prendre attentivement connaissance du dossier Moussaoui. Washington persiste, met en avant la faiblesse du dossier et invoque les
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