FBI
d’investigation, de ne pas se lier d’amitié avec les officiers de renseignement ou les agents fédéraux qu’il fréquente. Avec les flics ou les agents, John Miller passe son temps à refaire le monde au cours d’interminables repas trop bien arrosés, en tirant sur des cigares dégustés dans des clubs ad hoc , ou lors de virées au bout de la nuit, parfois interrompues par les sonneries des beepers annonciatrices de violences, de sang versé et d’angoisses. Si la déontologie a parfois du mal à y trouver son compte, l’efficacité est au rendez-vous.
Le journaliste multiplie les coups. En avril 2001, il rencontre au Pakistan un responsable d’ Al Qaida. Il l’« exfiltre » dans un « pays neutre », l’interroge longuement et, à sa demande, le met en contact avec le FBI. Le 11 septembre 2001 propulse John Miller aux sommets du journalisme télévisé américain : pour des millions de téléspectateurs, il est l’interlocuteur privilégié de leur idole, le dieu du journalisme télévisé, Peter Jennings. Quelques mois plus tard, il présente l’émission phare d’investigation de la chaîne « 20/20 », avec la diva hertzienne en personne, la reine mère du petit écran, Barbara Walters ! Quand on a vécu ça, il ne reste plus qu’une chose à faire : rejoindre la police !
Ce qu’il fait en 2003. Le journaliste bardé de récompenses – neuf Emmy Awards pour ses enquêtes télévisées ! – se retrouve responsable du Contre-terrorisme de la police de Los Angeles. Ce n’est pas sa première expérience policière. En 1994, il a quitté la chaîne télévisée WNBC pour un important poste de responsabilités à la tête de la police de New York, avant de recoiffer sa casquette de journaliste d’investigation au sein d’une des premières rédactions du pays, celle d’ABC.
Le mélange des genres n’est pas fait pour effrayer John Miller, qui est plus flic que journaliste. Il est le seul à ne pas voir dans sa nomination au poste de directeur adjoint du Bureau un symbole fort. Il dit qu’il doit à ses qualités professionnelles de flic, et non aux caméras d’ABC, de siéger à la gauche du directeur. Il affirme ne pas être sûr que Robert Mueller ait été au courant de son interview avec Oussama Ben Laden avant de le recruter.
Il faut avoir les nerfs solides pour être assis au septième étage du bâtiment J. Edgar Hoover, 935, Pennsylvania Avenue, à Washington DC. À côté de ce qu’il endure, sa rencontre avec Ben Laden dans une grotte perdue d’Afghanistan ressemblerait presque à une promenade de santé. Maintenant qu’il est de l’autre côté de la barrière, il fait face à ses anciens collègues qui ne connaissent que les deadlines et se soucient fort peu des dégâts provoqués par leurs révélations. Désormais, l’ex-roi du scoop joue les arroseurs arrosés et enrage quand il voit les enquêtes du Bureau compromises par les fuites dans les médias.
Quand il était tout gamin, John Miller avait acheté dans une librairie de la 57 e Rue, à Manhattan, un livre intitulé Questions à propos du FBI , d’un certain Earl Mayer Shank, qu’il avait dû payer dans les cinquante cents. L’ouvrage ne le quittait pratiquement jamais, les pages étaient usées d’avoir été trop tournées, la reliure fatiguée et la couverture déchiquetée. Le dimanche soir, comme des millions de téléspectateurs, le petit Miller était rivé à son téléviseur pour suivre les aventures du héros du feuilleton FBI , incarné par Ephraim Zimbalist. Il voyait le Bureau comme une super-police qui pouvait aller partout dans le monde et s’occuper de tout.
Aujourd’hui, l’image du Bureau a bien changé. Elle est davantage en adéquation avec son époque. John Miller en est le gardien, tout comme ses prestigieux ancêtres Lou Nichols ou Cartha DeLoach, les patrons de la Crime Records Division, premier instrument de communication du Bureau. Cerbères du « copyright FBI », ses prédécesseurs avaient un droit de vie ou de mort sur les projets soumis au Bureau par Hollywood, ils intervenaient sur les scénarios, surveillaient le choix des acteurs et contrôlaient physiquement les tournages des films approuvés. Inspirés par J. Edgar Hoover, ils n’ont pu que donner une image vieillotte et dépassée d’un Bureau qui n’était plus en phase avec son époque. Aujourd’hui, John Miller n’intervient que rarement dans les nombreuses séries consacrées au FBI ;
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