FBI
ou d’une menace. À l’intention de ce client coriace, Soufan met au point une stratégie d’interrogatoire à long terme ; pour ce faire, il reçoit le renfort de spécialistes en interrogatoires de l’Unité de science du comportement (BSU) du Bureau. Il a aussi recours à d’autres Agents spéciaux. Il a compris qu’il lui faudrait beaucoup de temps pour venir à bout d’Al-Khatani, alors que du temps il n’en a justement pas. Au bout d’un mois, l’armée lui donne l’ordre de se retirer : désormais, les militaires sont aux commandes. Pour Al-Khatani, des mois de tortures commencent. Pour le Bureau, plus rien ne sera comme avant.
En avril 2005, à l’occasion d’une cérémonie, un journaliste demande au directeur du FBI comment il voit l’avenir du Bureau. Du haut de son 1,85 mètre, Robert Mueller réfléchit, puis son visage carré s’illumine et son regard devient pétillant : « L’avenir du Bureau ? dit-il en pointant le doigt. Vous voyez cet agent-là ? C’est lui, l’avenir du FBI ! »
Le journaliste s’informe. Il apprend le nom de l’agent. C’est Ali Soufan.
Un mois plus tard, le 28 mai, Ali Soufan présente sa démission. Quand on lui demande ce qui s’est passé, il répond par une pirouette : « J’ignorais que j’étais l’avenir du Bureau. Si on me l’avait dit… » Il explique son geste par un désir d’aller de l’avant, de vivre autre chose. Il affirme n’être ni amer ni fatigué, et que ses neuf ans passés au Bureau ont sans doute été les meilleurs de sa vie.
Le directeur Robert Mueller a été aussitôt informé du départ d’Ali Soufan. Les temps changent. Dans les années 1960, quand un élément particulièrement brillant quittait le Bureau, nul n’osait en aviser la Direction. Il arrivait même à J. Edgar Hoover d’affecter des Agents spéciaux à des missions de confiance des mois, voire des années, après leur départ…
1- Khalid Sheikh Mohammed est l’oncle de Ramzi Yousef, l’artificier du premier attentat contre le World Trade Center en 1993, qu’il a financé. Il est un des cerveaux de l’opération « Bonjika » qui aurait dû détruire simultanément en vol douze avions de ligne américains. Il est arrêté le 1 er mars 2003 à Rawalpindi, au Pakistan, lors d’un raid monté par les services secrets pakistanais (ISI) et la CIA. Il est torturé à de nombreuses reprises : la CIA lui applique 183 fois la torture dite de la noyade simulée ( waterboarding ). Il aurait reconnu sa participation aux attentats du 11 Septembre, ainsi qu’à l’enlèvement et à la décapitation du journaliste américain Daniel Pearl.
2- Créé au début de 2002, le camp Delta comprend 612 cellules gardées par la police militaire américaine. Il est divisé en six sections entre lesquelles les détenus sont répartis en fonction de leur degré de coopération.
Épilogue
Quand c’est fini, tout recommence .
Le 6 juillet 2008, le FBI fête son centième anniversaire. Une centaine d’agents et de responsables actuels ou passés du Bureau se sont réunis dans le cortile d’un bâtiment du centre de Washington. Parmi la foule des costumes gris surgit une tache bleu clair. C’est le complet-veston d’un grand vieillard, Walter Walsh, le plus âgé des survivants de l’ère Hoover : il a un an de plus que le Bureau. C’est un ancien tueur de gangsters qui, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, a quitté un FBI en lequel il ne se reconnaissait plus, les agents ne pouvant plus « jouer de la gâchette » comme jadis. En ce jour de fête, il est le symbole d’un Bureau qui s’en va, celui de Hoover et de ses proches héritiers.
Tous ne sont pas venus. L’absence du président George Bush est remarquée ; ce jour-là, il enterre un ami. William Webster, William Sessions et Louis Freeh, tous trois anciens directeurs, sont là. À quelques exceptions près, ils sont les seuls représentants d’un temps qui n’est plus. Peu d’agents du siècle passé ont fait le voyage de Washington. C’est peut-être mieux : ils auraient eu du mal à se reconnaître dans ce Bureau qu’ils ont façonné et qui les a façonnés à son image. Avec ses 30 000 collaborateurs – dont 12 000 sont des Agents spéciaux –, son budget en croissance constante (il dépasse en 2008 les 6 milliards de dollars, soit près de deux fois plus qu’en 2001), le FBI a davantage changé en quatre ans que lors des quatre-vingt-seize
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