FBI
années précédentes.
Robert Mueller, le directeur de l’après-11 septembre, est un homme à poigne. Diplômé d’une des plus prestigieuses universités américaines, Princeton, vétéran de la guerre du Vietnam, bardé de décorations pour sa conduite héroïque, il connaît à merveille la machine complexe et parfois pesante du Département de la Justice pour avoir supervisé en tant qu’avocat les poursuites contre le général-dictateur panaméen Manuel Noriega et contre le parrain de la mafia new-yorkaise, John Gotti. Mueller a la peau dure, le verbe haut, et sait frapper fort quand il le faut. Il a toutes les qualités pour se faire entendre au sein de l’administration Bush.
Il sait que la guerre contre le terrorisme se gagne aussi dans les médias. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a embauché en 2005 John Miller, ancien journaliste vedette de la chaîne de télévision ABC, à qui il a conféré le titre de directeur adjoint, ce qui signifie qu’il est associé aux décisions les plus délicates du Bureau. Il lui a également confié pour mission d’être son porte-parole ; 70 personnes travaillent pour Miller, Irlandais fort en gueule, qui connaît la police comme peu de journalistes. Sa carrière a d’ailleurs toujours oscillé entre police et médias ; il s’est fait les dents dans le milieu de la presse new-yorkaise en 1974. Journaliste d’investigation, il est l’un des meilleurs spécialistes de la mafia new-yorkaise. Internet bruit de rumeurs à son sujet. Certains sites comme celui de l’encyclopédie Wikipédia expliquent que son père, chroniqueur mondain, était ami avec le Tout-New York, à commencer par le « Premier ministre » de la Mafia, Frank Costello. Il en est même qui disent que Costello serait le parrain (au sens premier) de John Miller ! Ils se trompent. Comme souvent, la réalité est toujours plus compliquée et plus amusante. De par son métier de journaliste le père de John Miller connaissait de nombreux policiers et mafieux, dont Frank Costello. Leurs rapports étaient sans doute excellents puisque l’épouse de Frank Costello était la marraine de John Miller. John Miller pense qu’il devait avoir six ans la dernière fois qu’il a vu Costello. Par la suite, ses travaux sur la Mafia lui ont valu de nombreuses récompenses journalistiques mais aussi maintes menaces de mort. À l’époque, il ne pouvait pas savoir qu’un jour il rejoindrait une organisation, en l’occurrence le FBI, avec laquelle Frank Costello n’a eu de cesse de jouer au chat et à la souris.
C’est pour la chaîne de télévision ABC que John Miller a réalisé en 1998, dans une grotte en Afghanistan, son plus beau scoop : l’interview de Cheik Ben Laden. Un coup qui fait blêmir tous ses collègues. La légende veut que John Miller ait fait voir les rushs de l’interview à son ami John O’Neil. Il n’en est rien : à l’époque, le journaliste n’avait pas encore fait la connaissance du responsable de la section Contre-terrorisme du FBI. ABC a rendu publique la totalité de l’entretien. Sa transcription intégrale est disponible sur le site internet de la chaîne. Les rushs ont été remis au FBI après injonction de la justice et parce que le network estimait qu’ils ne renfermaient rien qui n’ait déjà été divulgué. Dans ce film, Oussama Ben Laden parle devant une carte de l’Afrique orientale. C’était quelques mois avant les attaques de deux ambassades américaines dans la région, au Kenya et en Tanzanie. Avec son bloc-notes et son équipe légère de télévision, John Miller a réussi là où le FBI et tous les services secrets occidentaux avaient échoué. L’ancien responsable du Contre-terrorisme de la CIA (CTC) Vincent Cannistraro affirme que, à la fin de l’entretien, Miller aurait remis à Ben Laden une batterie neuve pour son téléphone satellitaire. Trafiquée, elle devait permettre de le localiser. L’archétype de l’agent du FBI, Jack Bauer, de la série télévisée « 24 heures » aurait apprécié. Info ou intox ? Intox : la réalité est autre. John Miller n’a jamais remis de batterie téléphonique à Ben Laden ni à un quelconque membre d’Al Qaida. En revanche le numéro trois d’Al Qaida, Mohammed Attef a demandé à l’intermédiaire qui a mis en contact Ben Laden et ABC d’apporter une batterie téléphonique. L’a-t-il fait ? John Miller l’ignore
Difficile, pour un journaliste
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