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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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exode de population insulaire qui a commencé au compte-gouttes dès la « période spéciale », puis est devenu, en 1993, un flux de dizaines de candidats à l’exil qui prennent la mer chaque jour à bord de
balsas
(radeaux de fortune parfois motorisés). Leur objectif est moins de franchir les 135 kilomètres du détroit que d’être recueillis à bord d’une vedette garde-côte américaine avant la mort par noyade, attaque de requins consécutive à une tempête ou encore par épuisement. Le mouvement des
balseros
s’amplifie, accompagné d’une nouvelle vague d’occupations d’ambassades : en juin 1994 a été décrétée une considérable hausse des prix de produits de première nécessité, qui met le feu aux poudres. À deux reprises, des citoyens ont détourné un ferry dans le port de La Havane pour le diriger vers la haute mer. L’une de ces actions, contrée par la Sécurité, conduira, le 13 juillet, à la noyade de trente-cinq personnes. Le 5 août, enfin, survient l’impensé castriste : une émeute dans la capitale de Cuba.
    Tous les observateurs concordent : le mouvement a été spontané, au cri de « Liberté ! ». Il est également violent : deux policiers seront tués et nombre de manifestants blessés. Il a fallu que Fidel lui-même, avec son légendaire courage physique, paraisse sur ce Malecón d’où certains disent qu’« on y voit déjà la Floride », pour que les choses rentrent dans l’ordre. Le régime accuse Miami et Washington d’être derrière cette agitation. Et il laisse ostensiblement filer le flot vers le Nord, comme il l’a déjà fait à deux reprises par le passé : il espère ainsi alléger la pression économique sur l’île, mais aussi contraindre les États-Unisà négocier en les submergeant sous un flux de réfugiés. Désormais, les policiers cubains vont observer les départs sans intervenir. On était passé d’une moyenne de dix par jour en 1993 à vingt au début 1994 ; vers la mi-août, on dépasse les cinq cents départs quotidiens, puis mille, deux mille. Au total, trente-cinq mille
balseros
quitteront l’île.
    Le 18 août, le président Clinton décrète l’état d’urgence en Floride. Et il annonce que les arrivants seront désormais placés en détention. Détention ! Le virage est stupéfiant car, depuis 1966, tout Cubain quittant son pays était considéré comme un croisé anticommuniste et accueilli en héros. Puis Clinton annonce des sanctions contre Cuba : interdiction des transferts d’argent vers l’île, suspension des charters entre Miami et La Havane, renforcement de Radio et TV Marti.
    Les
balseros
sont conduits à la base de Guantanamo, à l’est de Cuba. On en comptera jusqu’à vingt et un mille. Miami est désarçonnée mais partagée : certains exilés (45 %, selon un sondage) commencent à estimer qu’on ne saurait accueillir tout le monde. Et, le 9 septembre, un accord dit « pieds secs, pieds mouillés » est conclu entre les deux pays pour cadrer l’émigration : les illégaux ne seront plus acceptés automatiquement, mais seulement s’ils ont
effectivement
débarqué sur le sol américain ; les autres, interceptés par les garde-côtes dans le détroit de Floride, seront renvoyés dans leur île. Le 2 mai 1995 seront précisés les engagements de chacun : sur les vingt et un mille Cubains de Guantanamo, quinze mille pourront rester aux États-Unis, dans le contingent de vingt mille annuels auxquels Washington a déjà consenti (sans, loin de là, toujours s’y plier). Six mille (des criminels, des malades, des déments) rentreront dans l’île.
    Une manifestation devant la Maison Blanche n’attire que deux mille personnes. Le grand tournant est pris. Pourtant, dans le vaste débat auquel l’épisode des
balseros
a donné lieu, des voix américaines ont réclamé une levée de l’embargo car cette mesure est plus souvent que naguère jugée comme l’une des raisons de la crise cubaine, qui elle-même explique une part des migrations vers la Floride.

13
L ’EMBELLIE
 (
1995-1997
)
    Nous ne changerons jamais parce que nous avons raison.
    Fidel Castro, 22 octobre 1995
    Début 1996, un propos revient dans la bouche de voyageurs retour de l’île : « Le pire est passé. » Oh ! certes on n’est revenu en aucun domaine aux chiffres de production de 1990 (il y a eu recul de 35 % en cinq années). Et l’on n’y reviendra pas dans les deux décennies à venir. Mais, de fait, La Havane, pour ne parler que

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