Fidel Castro une vie
situation très prometteuse.
Le 5 septembre 1995 est votée la loi attendue depuis trois ans sur les investissements étrangers. Elle autorise, sous contrôle de l’État, des prises de participation étrangères à 100 % et l’aliénation de parcelles du sol cubain. Seules sont exclus de son champ d’application l’éducation, la santé et le secteur militaire. Est confirmé ce que murmuraient certains officiels : même le secteur sucrier ne sera pas tenu hors du courant d’investissements étrangers, ce qui permet déjà au responsable de Cubazucar, Alberto Betancourt, de prévoir de nouvelles
zafras
glorieuses à partir de 1997.
Le texte, qui offre des « garanties » contre les expropriations, accorde aussi un usufruit de cinquante ans sur les concessions de propriétés. Il présente une autre particularité très commentée : les exilés, encore traités naguère de « vermine » (
gusanos
), pourront investir, mais les habitants de l’île, non ! Le
Lider
expliquera que les Cubains de Cuba n’ont, pour se lancer, ni les devises ni les connaissances techniques ! Cet ostracisme de principe sera, d’évidence, mal pris, tout comme avait été vilipendé l’
apartheid
introduit par un tourisme créant des lieux (plages, hôtels, clubs) d’où les nationaux sont exclus. Un autre élément sera très peu apprécié des travailleurs cubains : la loi oblige les investisseurs étrangers à embaucher via des agences d’emploi de l’État ; or, alors que les investisseurs versent des dollars à ces agences, celles-ci reversent aux travailleurs des pesos, gardant ainsi au passage jusqu’à 95 % du montant des salaires, du fait de la différence (de 1 à 25) entre le cours officiel du peso en dollar et sa valeur réelle. Afin que la loi soit votée à l’unanimité, Fidel a contré des orateurs souhaitant moins de pragmatisme et plus d’esprit révolutionnaire. Ne pas trop insister sur la nature « temporaire » des concessions faites au capitalisme et assurer que celles-ci ont pour but ultime de « régénérer la production publique » en vue de « préserver les conquêtes du socialisme » : Fidel aura accepté d’aller jusque-là en faveur d’une NEP cubaine.
En matière culturelle aussi, le régime se prend à tolérer quelque détente. Les cinéphiles peuvent voir, début 1994, une petite merveille à laquelle ils font un triomphe :
Fresa ychocolate
(Fraise et chocolat), un film de Tomás Gutiérrez Alea, metteur en scène prodigue, par le passé, de chefs-d’œuvre plutôt historiques. On y voit un artiste homosexuel dissident et un étudiant sympathisant du castrisme nouer amitié par-delà leurs préventions initiales, tout en échangeant des propos faisant plus qu’égratigner le système. « Le scénario du socialisme est excellent, dira Gutiérrez Alea, mais la mise en scène laisse à désirer, et doit donc être critiquée. » Pour Cuba, c’est énorme.
Elizardo Sánchez, désormais le dissident phare, a estimé que, en 1995, la répression était passée à un niveau « de basse intensité ». Deux libérations de prisonniers politiques d’envergure ont eu lieu au printemps, celles de Sebastian Arcos, frère de Gustavo, et d’Yndamiro Restano, condamnés à douze ans de prison. Les deux ont été relâchés par anticipation à la suite d’une mission coordonnée par France Libertés, l’ONG créée par Danielle Mitterrand. La commission des droits de l’homme de l’ONU n’en continue pas moins de condamner Cuba, chaque printemps, à Genève. Et, de fait, beaucoup se méfient car toutes les ouvertures qui ont été faites, par le passé, ont été suivies d’un retour en arrière. Selon Amnesty International, il y a un demi-millier de prisonniers politiques en 1995 – 1 195 selon Elizardo Sánchez, qui se dit prêt à confronter sa liste à celle du régime et à la revoir à la baisse.
L’heure est à la poussée de la « société civile ». Celle-ci prend son souffle avec la « dollarisation », qui donne à un nombre encore modeste mais croissant de gens la possibilité de vivre hors du secteur public. On voit donc fleurir des organisations nouvelles, les « cercles de réflexion et d’action sociale », se plaçant sous l’égide des Églises – catholique mais aussi protestantes, ces dernières revenues de leur stratégie initiale consistant à mettre à profit la Révolution pour « enfoncer » les « papistes ». Le mode d’action est la « conscientisation de
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