Fidel Castro une vie
terriblement griffée par la vie, en lady Marian rejointe par son Robin des bois vieilli
.
Fidel se déclare persuadé que, voulût-il se retirer, le peuple, à qui « il revient de décider », l’en empêcherait. « La vérité, explique-t-il, est que tous ceux qui ont fait une révolution, à toute époque, ont acquis une grande autorité. Il peut y avoir tous les mécanismes démocratiques, mais la personnalité et le prestige de qui a inspiré la révolution ont toujours du poids et de l’influence. » Fidel a plus d’une fois rappelé que Platon, dans sa
République
, a suggéré que c’est « à partir de cinquante-cinq ans » que l’on commence à occuper les charges publiques avec le plus d’efficacité. Et « je suppose, a-t-il dit à Mina, que cinquante-cinq ans d’alors correspondraient à quatre-vingts ans de nos jours ». (Avec les années – prudence ou mémoire déclinante –, il reportera cet idéal platonicien à « soixante ans »…) Il n’importe : le
comandante
n’aura jamais déserté la conviction que les dirigeants expérimentés sont le vrai trésor des peuples : « La formation des chefs est coûteuse, a-t-il une fois expliqué, car liée à un long processus d’apprentissage, et il n’est pas avantageux pour la société de les remplacer par d’autres qui devraient à leur tour être formés. » CQFD.
Si Fidel, somme toute, change à vitesse géologique seulement, l’appareil de la Révolution s’est renouvelé. Remaniements ministériels et congrès du PCC ont sanctionné l’éloignement de maints « historiques ». Hormis Raúl, numéro 2 en tout et qualifié de « successeur » (mais pas nommé dans la Constitution, à la différence de Fidel !), le dernier grand ancien conservant encore une visibilité est, au début de 1996, Juán Almeida. Ce « commandant de la Révolution », numéro 4 du Politburo, est très populaire dans l’Oriente de ses origines, où il est le symbole decette majorité noire ou métissée qui est mal représentée dans les hautes sphères. Ramón Machado Ventura, qui fut médecin de la Sierra mais avait connu une éclipse en 1968, est, lui aussi, tout en haut de l’empyrée. Armando Hart, qui en est sorti en 1991, demeure toutefois ministre – le plus ancien du régime (entre Éducation et Culture, il a été de tous les cabinets depuis janvier 1959). Quant à Carlos Rodríguez, désormais octogénaire (il a été ministre de Batista de 1940 à 1944), il rétrograde peu à peu.
C’est Carlos Lage qui, en 1990, a succédé comme « secrétaire du Conseil des ministres » à Osmany Cienfuegos (frère de Camilo) : à ce « quadra » d’architecturer « la réforme économique », du soviétisme vers l’avenir, de tout inventer. Ce médecin avait travaillé au Groupe d’appui et de coordination [cabinet] du commandant en chef, où Fidel, intéressé par les questions de santé, l’a remarqué. Son nom est murmuré comme celui d’un possible « vrai » chef de gouvernement si le
Lider
consentait à céder un pan de son pouvoir… Cependant, l’homme qui est monté le plus rapidement ces dernières années est Ricardo Alarcón, président de l’Assemblée (ANPP) depuis 1993 – une instance d’enregistrement mais non sans pouvoir au jour le jour. Sautant les échelons, Alarcón est parvenu, en 1994, juste derrière les Castro au Politburo. Il a conquis son influence en étant le meilleur connaisseur des États-Unis : il a longtemps vécu là-bas, ambassadeur auprès de l’ONU.
Mais la roche Tarpéienne n’est jamais loin, à La Havane : des hommes qui ont été au pinacle ont, en effet régressé vite, voire ont disparu : ne citons, pour les années 1970 et 1980, que Jorge Risquet, « vieux communiste » qui fut le numéro 2 de Guevara au Congo en 1965, puis proconsul en Angola trois lustres plus tard avant de passer à la trappe. Ce que Castro dit (à Ignacio Ramonet) détester plus que tout, ce sont « les manœuvres » des hommes pour « avoir plus de pouvoir ».
S’agissant des carrières, soit dit au passage, il ne faut pas sous-estimer l’influence de Raúl, devenu mille fois plus méthodique et constant que Fidel : les « cubanologues » parlent de
Raúlistas
pour désigner ces personnalités qui ont fait leur chemin à l’ombre du « jeune » frère, dans les forces armées – notamment dans les secteurs économiques les plus importants, telsle tourisme et la production alimentaire, que Raúl a placés sous leur coupe.
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