Fidel Castro une vie
mais pas José Balaguer, à qui Fidel avait pourtant, le 31 juillet 2006, confié son cher programme de Santé. On y trouve Miguel Díaz Canel, titulaire de l’Enseignement supérieur, à ce titre chargé de caresser une Université plus rétive que naguère. En revanche, les intellectuels vont bientôt perdre « leur » ministre, l’écrivain aux allures de vieux hippie Abel Prieto. À ce Politburo figurent encore le président de l’ANPP, Ricardo Alarcón, ainsi que Mercedes López, seule femme, représentant également les « jeunes » apparatchiks montants, et le secrétaire de la CTC (Centrale des travailleurs), Salvador Valdès, qui devra faire passer auprès de la population les rudes réformes de l’économie.
Car c’est bien là le troisième des travaux d’Hercule de Raúl Castro, le plus incontournable et le plus complexe : « rectifier » en profondeur, tout en assurant obstinément du contraire, et avec cette circonspection que lui ont apprise cinq décennies au pouvoir sous Fidel, les fondements économiques du«
socialismo o muerte
» historique. À cet égard, le bilan n’est pas gratifiant. Raúl ne peut l’ignorer ni totalement s’en exonérer, même s’il a parfois incliné son aîné vers plus de réalisme. Car, après un demi-siècle de castro-socialisme, Cuba – qui, rappelons-le, était en 1959, avec l’Uruguay, l’Argentine, le Costa Rica et le Chili, le pays où la richesse moyenne était la plus élevée d’Amérique latine (si même y était criant le semi-abandon de 10 % des citoyens : les ouvriers agricoles) – est dans une situation économique et sociale désastreuse. En 2010, la croissance cubaine n’aura été supérieure en Amérique latine qu’à celle du Salvador.
Les Cubains restés ruraux (5 % du total des actifs) ne produisent que 20 % des besoins alimentaires de l’île – une île dont la population, il est vrai, a presque doublé –, un peu amplifiés par ce que consomment chaque année deux millions de touristes restant de deux à trois semaines sur place, soit l’équivalent de cent mille personnes. Un calcul simple montre que la comparaison ne tourne pas à la débâcle du régime… à une grosse nuance près : Cuba, dont la richesse nationale provenait du sucre, n’en produit plus : un million de tonnes pour la
zafra
de 2010-2011, c’est le niveau de… 1910.
Le problème des ouvriers agricoles a ainsi été résolu : il n’y en a plus ! Ceux des débuts de la Révolution ont été absorbés dans la fonction publique urbaine de service, et leurs enfants n’ont évidemment eu aucune raison de leur succéder. Dès lors, le seul produit d’exportation agricole de l’île est le tabac.
S’agissant de l’autre secteur primaire (la mine), un bon point pour le castrisme : sous son règne, le nickel de l’Oriente est devenu une « grande cause ». Mais on ne manque pas de noter que cette richesse nationale, de longue date exploitée « en bon père de famille » par la société canadienne Sherritt, est à présent négociée avec les Chinois dans des conditions encore moins avantageuses que ne l’était le quota sucrier annuel acheté par les États-Unis, dont la Révolution avait dénoncé l’iniquité. Un espoir économique pour le secteur primaire repose, par ailleurs, sur des explorations pétrolières
off shore
au nord de l’île, surtout conduites par la société espagnole Repsol.
Le secteur secondaire, on y a insisté, a connu en cinquante ans un vrai succès, mais un seul : la fabrication de médicaments(les « biotechnologies »), là encore dirigée principalement vers (et « drivés » par ?) la Chine.
Les trois quarts au moins de la population active se trouvent donc dans le secteur tertiaire, celui des services, dont deux sections seulement sont créatrices de richesses : le tourisme (2 milliards de dollars par an), et… l’exportation de médecins (quarante mille au Venezuela et en Angola, où leurs capacités sont troquées pour des matières premières, surtout l’or noir). Il faudrait, au risque du cynisme, ajouter une autre notable source de devises : l’exportation, modulée, de citoyens vers les États-Unis, d’où ils envoient à leurs familles 2 milliards de dollars par an de
remesas
.
Le salaire mensuel moyen versé à l’essentiel des 4,5 millions d’actifs, 448 pesos par mois, soit 15 euros ou 18 dollars (et 10 dollars aux retraités…), est en fait le reflet de cette incapacité productive de la
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