Fidel Castro une vie
laissés, depuis lors, appâter par « le miel du pouvoir ».
Présenté comme devant rendre les choses « plus efficaces », un ample remaniement, visant près de la moitié des ministres (Économie, Agriculture, Transports, Industries de base, Finances…), eut lieu au printemps 2009. Le gouvernement quotidien de Cuba passait ainsi, en douceur, à la convenance du
general
Castro. Pour lui succéder à la tête du crucial Minfar(ministère des Forces armées), Raúl désigna son numéro 2 jusque-là, le général Julio Casas Regueiro, ancien des guerres d’Afrique et du procès Ochoa, et spécialement en charge de la holding économique militaire Gaesa. Mais ce septuagénaire allait décéder en 2011. Il serait remplacé par Leopoldo Cintra Frías, qui avait, lui, succédé à Ochoa comme commandant en Angola au début de 1989. Vers cette époque, plusieurs «
históricos
» vont d’ailleurs payer tribut au passage du temps, tel Juan Almeida, populaire
comandante
noir d’Oriente, de surcroît écrivain et compositeur d’un joli recueil de ballades :
Le
Boléro cubain
. Le ministre de l’Intérieur restait le général Abelardo Colomé, en poste depuis l’affaire Ochoa. L’autre « grand » général, Ulises Rosales del Toro, fait premier « héros de Cuba » pour sa campagne d’Angola en 1975, eut l’Agriculture en apanage, ce qui était une fonction quasi régalienne ! Raúl garda sur l’avant-scène Esteban Lazo, un apparatchik confirmé, comme représentant de la communauté noire. Il propulsa Gladys Bermejo contrôleur de la République ; elle fut la première femme à avoir reçu une vice-présidence du Conseil d’État depuis l’institutionnalisation de 1976. Il chargea le colonel Marino Murillo, une force de la nature, homme placide et sûr, du soin capital de suivre l’effectivité de ses réformes économiques.
Il ne restait plus qu’à coiffer le « raúlisme » par une restructuration de l’appareil communiste. Cela fut fait le 19 avril 2011, près de cinq ans après l’intronisation « provisoire » du « jeune » Castro, lorsque s’acheva le VI e Congrès du PCC. Réuni quatorze ans après le précédent, il conféra à Raúl, octogénaire un mois et demi plus tard, le poste de Premier secrétaire. L’ex-
Lider
, amené le dernier jour dans la salle du congrès, demandait alentour, applaudi par les mille délégués (chaleureusement, peut-on penser, par les « immobilistes », affectueusement par les autres) : « Pourquoi ai-je vécu si longtemps ? » Non seulement avait-il remis l’avenir à d’autres, mais c’était comme si toute cette agitation, dont il avait été le « petit cheval » un demi-siècle plus tôt, ne le concernait plus. On ne pouvait guère imaginer, ce jour-là, contraste plus parfait entre le jogging bleu de l’ancien
jefe
, tassé mais grand encore
,
et la
guayabera blanche
du petit Raúl ; le visage gris et maussade ou alors absent de l’aîné et les traits, ridés certes mais rieurs sous les verres de lunettestoujours un peu teintés, du cadet ; la barbe plutôt rebelle de l’ex-
comandante
et la moustache disciplinée du général quatre étoiles. Fidel soutenant de son bras gauche le bras droit levé de son frère exultant : c’était la fin d’un premier castrisme.
Une annonce fut très commentée, d’ample portée symbolique même si son impact pratique était réduit : la limitation des mandats de tous les dirigeants du parti et de l’État à deux fois cinq ans (soit, pour Raúl, pas au-delà de ses quatre-vingt-dix ans). Cela pour « rajeunir les cadres ». Cependant, le nouveau numéro 1 devait admettre qu’il n’y a pas de « réserve de remplaçants dûment préparés », notamment parmi les femmes, les Noirs et les métis.
José Ramón Machado, quatre-vingt-un ans, fut désigné numéro 2. La moyenne d’âge du Politburo agencé à l’issue du congrès était de soixante-douze ans. Et ses quinze membres étaient (sont) – étrange aboutissement d’un demi-siècle de Révolution socialiste – pour l’essentiel mâles, blancs et militaires. Car la plupart (six) des « grands » généraux s’y trouvent, soit un pourcentage (encore gonflé par rapport au passé récent) d’environ 40 % des effectifs, ce qui fait qu’on a pu parler d’un « Politburo vert olive » (le kaki cubain, couleur des treillis et autres vêtements de service). Les « historiques » de l’État et/ou du gouvernement y sont aussi, tel Ramiro Valdés –
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