Fidel Castro une vie
Chine, a mandé son président, Hu Jintao, à la fin de 2008, pour confirmer et accroître l’échange de nickel et biotechnologies cubaines contre les mille produits indispensables à la vie quotidienne des insulaires et des plus de deux millions de touristes annuels. Cette visite a aussi permis à La Havane d’obtenir de Pékin des crédits dont le pays est autant dire asséché du fait qu’il ne rembourse aucun emprunt depuis le milieu des années 1980. Deux semaines plus tard, ce fut le tour du Russe Dmitri Medvedev de répondre à une comparable sollicitation lors d’un bref passage dans l’île. Et l’on apprenait encore que l’Iran allait également ouvrir des facilités – ce que viendrait confirmer solennellement à La Havane le président Mahmoud Ahmadinejad.
Le 13 avril 2009, une magnifique nouvelle parvenait à Cuba : le nouveau président américain Barack Obama, contre lequel cependant Fidel ferraillait déjà dans ses « réflexions » , autorisait à nouveau les Cubano-Américains à renouer avec les
remesas
(envois de fonds) illimités et les visites sans restriction à leurs parents dans l’île, qui avaient été supprimées par Bush. Raúl avait, peu avant, proposé au onzième président américain de la Révolution cubaine de le rencontrer, « en terrain neutre » (la Suisse), ce que déclina Obama, héritier, quoi qu’il en ait, du programme républicain de « transition » postcastriste… Dès lors, les relations bilatérales se figèrent : en 2010, la Sécurité d’État arrêtait un « consultant » américano-cubain, Alan Gross, venu remettre un ordinateur « perfectionné » à une organisation juive ; la justice insulaire le condamna pour « espionnage » à quinze ans de prison – sans doute en vue de l’échanger contre les « cinq héros » cubains convaincus du même crime en Floride en 1998. Le bref dégel entre les « frères ennemis » a refait place à la glaciation.
2010 vit le début des choses sérieuses dans l’île. Un Plan de réformes fut mis en circulation parmi les « organisations de masse ». Il prévoyait un certain élargissement de l’économie privée. Mais, était-il soigneusement précisé, au sein d’une économie restant « régie par la planification ». Le 20 août, Raúl prononça ces mots étonnants devant l’Assemblée nationale : « Nous devons éradiquer l’idée que Cuba est le seul pays dumonde où l’on puisse vivre sans travailler. » Et, dans une interview au mensuel américain
Atlantic Monthly
, Fidel fit cette déclaration plus stupéfiante encore, en réponse à une question sur l’« exportabilité » du modèle cubain : « [Il] ne marche même plus pour nous. » Enfin, le 25 octobre, fut publié un premier train de mesures qui ne pouvait que violenter gravement les insulaires. Son point le plus spectaculaire était l’annonce du licenciement de 1,3 million de travailleurs du secteur public (soit près du tiers du total des actifs), dont cinq cent mille, était-il dit, dans le seul semestre à venir. Lâchés dans la nature avec cinq mois d’indemnités au plus (soit 75 euros), les intéressés étaient priés de rejoindre un secteur privé… entièrement à créer.
On publia ainsi une liste de cent soixante-dix-huit métiers – du cordonnier au gardien de parking, en passant par l’horloger, le plombier, le vendeur de gâteaux ambulant ou d’animaux domestiques, le bûcheron, le répartiteur de CD (piratés), le remplisseur de briquets jetables, le réparateur de lunettes, le maçon, le couturier, le jardinier, l’animateur de fêtes, le mécanicien… Sans oublier le coiffeur et le barbier, puisque, désormais, la Révolution ne raserait plus gratis. De ces métiers, artisanaux ou « petits jobs », quatre-vingt-trois pourraient embaucher du personnel – au-delà du cadre défini dans les années 1990, qui permettait de travailler avec des membres de sa famille.
Dès lors, c’est un « marché du travail », au moins balbutiant, qui est appelé à se mettre en place à Cuba, ce qui, en principe au moins, marque un renversement du socialisme d’État. Ces travailleurs « à leur compte » devront payer, outre une patente, une taxe mensuelle et un impôt annuel – autre prodigieuse remise en cause de la doctrine –, ainsi que, s’ils font appel à de la main-d’œuvre, des cotisations sociales. Ces prélèvements pourront représenter jusqu’à 85 % de tout revenu supérieur à 1 600 euros par mois, mais
Weitere Kostenlose Bücher