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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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centrale a fait un petit voyage dans la montagne puis est allé à Miami en recueillir les dividendes : l’espoir de la présidence provisoire après Batista. L’affaire est énorme, vue de la Sierra, et sa dénonciation s’impose. Mais est-ce si simple ? La signature du pacte a eu du retentissement, en raison notamment de l’écho donné par la presse américaine, devenueattentive aux affaires de l’île et chapitrée par les Cubains antibatistiens de Miami. Une pure dénonciation ferait désordre. Pis : « la plaine », confrontée à la nécessité d’élargir la lutte urbaine contre Batista, n’a pas vu le Pacte avec la même horreur que « la montagne ». Ainsi Hart, gros « calibre » du M-26 à La Havane, est-il nuancé à ce sujet.
    Fidel choisit pourtant la dureté. Il désavoue le Pacte sur le mode de la dignité blessée et de l’indignation véhémente : l’œuvre de dirigeants « en train de faire une révolution imaginaire » alors que ceux « du M-26 font une révolution réelle ». Castro reproche en particulier aux gens de Miami de n’avoir pas inclus dans leur texte un passage spécifique du
Manifeste de la Sierra
, « repoussant toute junte militaire pour gouverner provisoirement la République ». En une clause secrète spectaculairement révélée par le chef rebelle, le pacte de Miami prévoyait que « les forces révolutionnaires s’incorporeront aux institutions armées régulières »… Telle n’est certes pas l’intention de Castro ! Pour lui, les unités gouvernementales devront être
dissoutes
et
remplacées
par celles des rebelles. Tant de fermeté ravit des hommes comme Guevara qui avaient craint que leur chef, aux approches de la victoire, ne renoue avec ses racines bourgeoises – fussent-elles « de gauche ». Le Che confesse, soulagé : « J’ai pensé des choses que j’ai honte d’avoir pensées. » Ainsi désavouée, la « Junte » de Miami s’évanouit.
    Et, afin que Pazos et ses semblables comprennent qu’ils n’ont rien à espérer, Fidel annonce qu’il présentera au peuple comme président provisoire de la République après la victoire « le digne magistrat de la cour de justice d’Oriente, Manuel Urrutia ». Choix, à vrai dire, stupéfiant. Chibás, pressenti, avait refusé. Urrutia, à cinquante-huit ans, n’est pas davantage une lumière. C’est seulement un de ces hommes, pas si rares à Cuba qu’on l’a dit
après
, qui ont défendu contre vents et marées l’idéal d’une « justice juste ». Il avait, en juillet 1953, lancé d’autorité une enquête contre les crimes du colonel Chaviano après l’attaque de la Moncada. Et, le 11 mai 1957, il avait conclu, contre l’avis de ses deux collègues, au procès intenté contre la centaine de jeunes gens du soulèvement du 30 novembre 1956 à Santiago et contre les prisonniers du
Granma
, que l’accusation de « rébellion » ne pouvait tenir :l’article 40 de la Constitution prévoyait le « droit sacré de résistance à l’oppression »… Désigné
ad nutum
, et flatté de l’être, Urrutia file se mettre en sécurité hors de l’île : sa fonction sera d’occuper, le temps nécessaire, une place trop convoitée…
    En ce début de 1958, tous les éléments de la victoire du 1 er janvier suivant sont en place. Voici donc une armée rebelle forte de plus de deux cents membres, motivés, aguerris et désormais, pour la plupart, bien armés. Elle contrôle près des deux tiers de la côte sud de l’Oriente – un territoire montagneux de deux mille kilomètres carrés. Cette troupe est là « comme le poisson dans l’eau », selon les recommandations de Mao – auquel Castro commence alors à s’intéresser. Si l’un tombe, dix sont prêts à « empoigner son fusil ». Il n’y a pratiquement plus, à Santiago, parmi les opposants à Batista, que des « fidélistes ». Si José Bosch, PDG des rhums Bacardi, est désormais partisan de Castro, ce n’est pas pour les mêmes raisons que les étudiants. Pour ceux-ci, c’est une question d’idéal ; pour Bosch, c’est la conviction que les affaires repartiront si Batista s’en va. Julio Lobo, le roi du sucre, paie son tribut au M-26 ? Oui, mais c’est parce que, en
businessman
avisé, il ne veut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Si tant d’adolescents de toutes conditions sont passés à la lutte contre la dictature, c’est parce que, dans l’Est plus qu’ailleurs, être jeune c’est être suspect. Alors autant

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