Fidel Castro une vie
l’honorabilité de son auteur vaut qu’on rapporte l’assertion.
Une autre question prend de plus en plus d’importance au fur et à mesure que la lutte se radicalise : que feront les États-Unis ? C’est vers le milieu de 1957 qu’on perçoit une préoccupation à Washington. Jusque-là, les choses étaient simples : « grand général et grand président », Batista devait être soutenu – d’autant que son anticommunisme était au-delà de toute espérance. Ainsi, les visites de délégations militaires américaines à La Havane, corollaires de livraisons d’armes, se sont-elles succédé de façon quasi indécente début 1957. Mais l’enracinement des castristes dans la Sierra et le dégoût suscité par la barbarie de la répression entraînent un réexamen. Un nouvel ambassadeur arrive l’été, avec consigne d’apparaître un peu plus « neutre » dans le conflit en cours. Earl Smith s’acquittera de sa mission, suscitant même, à l’occasion d’une visite à Santiago peu après la mort de País, l’espoir, dans l’opposition, d’un revirement américain. Mais les pesanteurs ordinaires feront tourner court ces velléités. Pourtant, la CIA entrera en contact avec des représentants du M-26. Selon Tad Szulc, cinquante mille dollars seront versés par le vice-consul des États-Unis à Santiago, Roberts Wiecha, membre de la centrale de renseignement.
L’éventualité d’un réexamen de la position américaine s’oriente, à l’automne 1957, vers la question d’un embargo sur les armes destinées à Batista. Car celui-ci n’a pas hésité, lors de la répression du soulèvement de Cienfuegos, à utiliser des stocks destinés à la « défense de l’hémisphère ». Les libéraux, aux États-Unis, s’indignent. Cette question est centrale pour Castro, il en a déjà parlé à Matthews en février. Mais le débat démocratique s’éternise à Washington. Il faudra six mois encore pour qu’il aboutisse.
Vers la fin de 1957, une autre évolution s’esquisse : celle qui conduira le PSP (communiste) à se rapprocher de Castro. Lionel Martín, toujours anxieux de prouver l’ancienneté du ralliement du parti, rapporte que c’est en octobre qu’Ursinio Rojas, vieux dirigeant, est monté en secret à la Sierra pour y rencontrer le chef rebelle. Divers éléments se sont conjugués pour pousserle PSP à une révision de sa condamnation, répétée en mars, de « l’aventurisme » castriste. Le premier est sans doute la pression des Jeunesses, dont plusieurs membres, Alfredo Guevara, Leonel Soto, Luis Mas Martín, ont connu Castro à l’université et ne peuvent se méprendre sur sa détermination. Peut-être est-ce aussi à travers eux qu’a cheminé une problématique nouvelle : celle de la spécificité des luttes de « libération nationale » – que la conférence de Bandung, en 1955 (avec les Chinois, mais sans les Russes), a contribué à mettre en avant. Ainsi Castro ne serait-il pas le champion national de la lutte contre un Batista dépendant des seuls États-Unis ? Il ne peut pas, enfin, échapper au PSP que l’entourage de Castro est loin de ne compter que des anticommunistes forcenés. Sans même parler de Raúl, en principe toujours de la « famille », il y a Guevara, qui, dans la controverse avec « la plaine », a soutenu : « J’appartiens, de par ma formation idéologique, à ceux qui croient que la solution des problèmes de ce monde est derrière ce qu’on appelle le rideau de fer. »
La « question militaire » est également sous-jacente dans le coup d’éclat par lequel Castro dénonce, fin 1957, un « pacte d’unité » signé à Miami (le 11 novembre) par les représentants en exil de sept organisations politiques, créant une « Junte de libération de Cuba ». Passe encore, aux yeux de Fidel, que la famille des orthodoxes, déchirée, depuis six ans, recolle quelques morceaux ; que le Directoire des étudiants exhibe une branche « ouvrière » dont peu de Cubains ont eu vent ; que les communistes n’en soient pas – et que la chose ait même en partie été faite pour cela ; que Prío, enfin, fasse, dans la presse américaine, figure de héros de l’affaire – imposant son ex-Premier ministre Tony Varona comme président de ladite Junte. L’inadmissible est que quatre personnalités aient signé à Miami au nom du M-26 – dont, au premier rang, Felipe Pazos, l’homme de la fameuse
Lettre de la Sierra
. Ainsi, l’ex-président de la Banque
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