Fidel Castro une vie
échelle mobile. Deux pièces composent l’édifice-QG. L’une est un bureau, surtout utilisé par Celia, élément capital dans cet isolement – montée définitivement dans la Sierra à l’automne 1957, elle s’y active à ne jamais laisser péricliter les communications locales, nationales et internationales du commandement. L’autre pièce est une chambre à coucher, que Fidel partage avec cette intime collaboratrice.
D’autres bâtiments, également camouflés à l’observation aérienne, servent d’hôpital, de siège administratif, d’hôtel rudimentaire pour les visiteurs, de caserne pour les volontaires féminines – auxiliaires pour des besognes telle la confection des uniformes puis combattantes à part entière. Quelques centaines de mètres plus haut sont installés le modeste studio et l’antenne de Radio Rebelde. Celle-ci a commencé d’émettre, faiblement, le 28 février 1958. À partir de mai, l’installation est renforcée, au point de pouvoir être entendue dans toute l’île. Elle peut également communiquer avec Caracas, que l’avènement d’un gouvernement progressiste au début de 1958 a transformé en principal point d’appui étranger. L’arrivée, le 29 mai, de Carlos Franquí, longtemps délégué du M-26 aux États-Unis, va faire de Radio Rebelde le plus efficace des instruments de propagande.
Franquí a débarqué dans la Sierra en avion : on a, en effet, aplani un terrain où un audacieux pilote, Díaz Lanz, fera desatterrissages au départ du Costa Rica ou de Miami, apportant des armes et des munitions. Il a aussi emmené dans la Sierra, en mars 1958, Pedro Miret, le premier conseiller militaire de Fidel, arrêté fin 1956 au Mexique. À bord du même bimoteur C-47 se trouvait Huber Matos, un planteur de riz de l’Oriente qui, un an plus tôt, avait monté avec ses camions les premiers renforts à la Sierra. Matos, qui a établi les contacts de la guérilla avec José Figueres, le mythique président du Costa Rica (obtenant les premières livraisons d’armes à grande échelle), reçoit aussitôt de Fidel le commandement d’une colonne.
Pendant le printemps 1958, Fidel fortifie son camp : terrassement de tranchées, percement d’abris antiaériens et de souterrains de circulation, installation de mines télécommandées. « Dans la Sierra, chaque entrée est comme le défilé des Thermopyles », explique le commandant dans une interview.
Castro, en ce début de 1958, hésite non seulement sur sa stratégie militaire, mais aussi sur sa stratégie révolutionnaire. Faustino Pérez, qui depuis un an, au prix des pires dangers, est la principale autorité civile du M-26 à La Havane, estime que le mouvement est prêt à frapper un coup décisif. La résistance civique s’est, en effet, beaucoup renforcée. Les clandestins ont, en particulier, réussi un coup qui a contribué à faire connaître la révolution des
barbudos
dans le monde entier (et, pour la première fois, à l’auteur de ces lignes) : l’enlèvement, le 23 février, de Juan Manuel Fangio, champion automobile, dans le hall de son hôtel à La Havane. L’Argentin ne sera relâché que le lendemain, après le grand prix qu’il devait disputer. L’auteur du séquestre sera retrouvé et assassiné. Mais l’impact est considérable, notamment en Europe, où l’on ignorait encore les événements de Cuba.
C’est donc « gonflé à bloc » que Faustino Pérez monte dans la Sierra au début de mars. Il convainc Fidel qu’a sonné l’heure de cette « grève générale révolutionnaire » dont le commandant a plusieurs fois dit qu’elle serait l’estocade finale. Fidel est perplexe. Il ne « sent » pas cet événement à la préparation duquel il n’aura eu aucune part, et qu’il n’a nul moyen de contrôler. Pourtant, il donne son feu vert : le 12 mars, il publie un nouveau manifeste de la Sierra, intitulé
Guerre totale contre la tyrannie
.« On peut estimer, est-il dit, que la lutte contre Batista est entrée dans sa dernière phase. Le coup décisif doit être fondé stratégiquement sur la grève générale révolutionnaire, secondée par l’action armée. » À partir de début avril 1958, « la circulation est interdite dans la province d’Oriente. On pourra tirer sans préavis sur tout véhicule de jour ou de nuit ». Batista ayant annoncé, peu avant, la mobilisation de sept mille nouveaux soldats (une augmentation de 20 % des forces armées), le manifeste déclare que « tout
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