Fiora et le Magnifique
qu’elle voudra, dit Démétrios, les larmes vont emporter la
menace qui vient de peser sur elle.
– Quelle
menace ? demanda Léonarde à voix basse...
– La
folie ! Elle en a trop enduré... Il serait temps que cela s’arrête...
Le
lendemain, à la nuit tombée, trois cavaliers quittaient le castello, bottés et
armés. Démétrios avait abandonné ses longues robes pour des chausses collantes
et un pourpoint noir. Quant à Fiora, elle avait découvert avec surprise parmi
les vêtements que son amie Chiara lui avait envoyés, un costume de garçon d’un
joyeux vert feuille sur lequel était épingle un morceau de papier portant ces
simples mots : « Tu pourrais en avoir besoin ! Je t’aime bien... ».
Et, en les endossant, ce soir, elle avait rendu grâces, de tout son cœur, à la
prévoyance dictée par sa sincère amitié à cette tête folle de Chiara...
Fiora
allait en tête car elle connaissait par cœur le chemin qui, à travers les
collines et la vallée du Mugnone que l’on traversa près de la Badia allait, en
quatre lieues environ, de la villa de Fiesole au domaine agricole que dirigeait
Marino. Cette nuit d’avril était belle et douce. Toutes les étoiles étaient
présentes et enveloppaient la campagne d’un somptueux manteau de velours bleu
piqué d’une multitude de petits diamants. Cela sentait le lilas et le pin, la
terre encore humide d’une petite pluie brève qui était venue en fin de journée.
Par endroits et selon les caprices du chemin, elle apercevait les murailles de
Florence où brûlaient les pots à feu des sentinelles, les campaniles et les
dômes qui semblaient faire sourdre leur propre lumière. La ville se rapprochait
à mesure que l’on avançait, mais après un détour de la route, on ne la vit
plus.
A
quelque distance du hameau de la Pietra où tout dormait, Fiora engagea sa
monture dans un chemin qui s’enfonçait entre deux haies d’arbustes et le suivit
pendant quelques minutes jusqu’à ce que se dessine dans la nuit la silhouette
noire de grands bâtiments de ferme précédés d’un immense pin dont la large cime
étalait une tache d’encre sur le ciel. La jeune femme les désigna du bout de sa
houssine :
– Nous
y sommes, chuchota-t-elle. Tout doit dormir. On ne voit aucune lumière.
– Laissons
tout de même les chevaux ici, fit Esteban qui commandait l’expédition ayant
davantage l’habitude des coups de main que son maître. Celui-ci approuva
silencieusement.
Les
trois cavaliers mirent pied à terre, attachèrent leurs montures à un arbre puis
s’avancèrent en faisant le moins de bruit possible. Le chemin sablé leur
facilitait d’ailleurs la tâche :
– Il
n’y a pas de chiens ? demanda Démétrios.
– Si,
répondit Fiora, mais ils sont dans la cour de la ferme et d’ailleurs ils me
connaissent...
– Je
ne m’y fierais pas, à ta place. Tu portes des vêtements dont ils n’ont pas l’habitude.
Quant à nous, ils ne nous connaissent pas du tout... Mais rassure-toi, j’ai ce
qu’il nous faut.
– C’est
tout de même étrange, reprit la jeune femme, un instant plus tard. Si peu de
bruit que nous fassions, ils devraient nous entendre. Or, ils n’aboient pas...
Et, regardez ! Le portail est grand ouvert !
En
effet, la double porte qui défendait l’accès de la propriété béait largement,
laissant apercevoir une grande cour vide et au bout, une maison basse dont la
porte était ouverte elle aussi et qui ne montrait aucun signe de vie.
– Mais
on dirait qu’il n’y a personne ? souffla Fiora. Où sont les chiens et...
Soudain
Esteban, qui avait pris la tête, fit volte-face, revint vers Fiora et se plaça
devant elle, les bras écartés pour lui interdire d’avancer :
– Ramène-la
aux chevaux, maître ! Je viens d’apercevoir quelque chose qui n’est pas
fait pour les yeux d’une jeune dame...
– Quoi
que ce soit, je veux le voir, protesta celle-ci. Tu oublies que nous sommes ici
chez l’assassin de mon père et que je suis venue pour le tuer de ma main.
– Tu
n’auras pas cette peine : c’est déjà fait ! Je me disais aussi que
cette odeur n’était pas naturelle même aux abords d’une ferme.
En
effet, depuis un moment, des effluves fades et écœurants chassaient le parfum
frais de la campagne. Esteban s’écarta, à regret, puis tendit le bras vers le
grand pin qui ombrageait l’entrée du domaine. A l’une de ses branches basses
pendait un fruit abominable : le
Weitere Kostenlose Bücher