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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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gravement sa tête enturbannée. Une fille ! Tant de bruit pour
une fille ! Mais revenons à toi ! Tu n’as pas bonne mine, tu sais ?
    – Rien
d’étonnant à cela ! Je suis blessée et encore faible. En outre, je n’ai
rien pour me soigner.
    – Laisse
faire Domingo ! Et d’abord, ôtons cette loque noire qui te donne l’air d’un
vilain insecte !
    Elle
se laissa déshabiller sans protester. Ils avaient connu tous deux, sur la
caraque, une longue intimité, et Fiora s’était habituée à ne plus voir un homme
dans ce bon serviteur qui d’ailleurs n’en était plus un. La mince blessure s’était
un peu enflammée. Domingo la nettoya avec de l’eau-de-vie dont la brûlure amena
des larmes aux yeux de la jeune femme, puis plaça un pansement propre. Cela
fait, il la laissa à sa toilette annonçant qu’il allait lui chercher de quoi
manger. Avant de sortir, il avait étendu sur un coffre du linge de fine toile
brodée, des bas de soie, une robe de velours vert à broderies de soie, blanches
comme la jupe de dessous et les mules assorties. Une grande cape du même
velours et une longue résille dorée destinée à emprisonner la chevelure
complétaient cette toilette que n’importe quelle femme eût revêtue avec
plaisir, mais Fiora ne lui accorda qu’un regard distrait. Elle eût tellement
préféré le costume de paysan qui devait l’abriter tout au long du chemin de
Florence !
    Cependant,
elle se sentit moins abattue quand, lavée, habillée et coiffée, elle s’installa
devant le repas copieux que Domingo lui apportait. Il en allait toujours ainsi
dans les périodes difficiles de sa vie : elle avait plus d’appétit qu’en
temps normal. Aussi, connaissant les dimensions de l’adversaire qu’elle allait
devoir affronter ce soir-là, fit-elle honneur à ce qui lui était servi.
     
    Contrairement
à ce qu’elle supposait, ce ne fut pas vers la salle où elle avait été reçue la
première fois que le cérémoniaire Patrizi dirigea Fiora, mais vers la
bibliothèque. Sixte IV s’y tenait assis dans une sorte de chaise curule et, des
besicles sur le nez, il lisait un gros livre écrit en grec, posé auprès de lui
sur un grand lutrin, et suivait les lignes à l’aide d’un petit style d’or. Il
ne s’interrompit pas lorsque Patrizi introduisit Fiora et la mena au long de la
longue salle jusqu’à un coussin disposé aux pieds du pape et sur lequel il la
fit agenouiller comme le voulait le cérémonial. Mais, tout à coup, Sixte IV se
mit à lire tout haut :
    – »Essayer
de lutter contre les maux envoyés par les dieux, c’est faire preuve de courage
mais aussi de folie ; jamais personne ne pourra empêcher ce qui doit
fatalement arriver... »
    Puis,
tournant la tête vers la jeune femme, il demanda, aussi naturellement que s’ils
avaient causé ensemble la veille ou quelques heures plus tôt :
    – Que
pensez-vous de ce texte, donna Fiora ? Il est d’une grande beauté, n’est-ce
pas ?
    – Si
Votre Sainteté le dit, ce doit être vrai. Pour ma part, j’apprécie peu Euripide
et moins encore son Hercule furieux . Je lui préfère de beaucoup Eschyle :
« Ah ! triste sort des hommes : leur bonheur est pareil à un
croquis léger ; vient le malheur, trois coups d’éponge humide, c’en est
fait du dessin... » Voilà des années que le dessin de ma vie s’est
brouillé et que je n’ai pu en tracer un autre.
    La
surprise du pape ne fut pas feinte. Otant ses lunettes, il considéra la jeune
femme avec une sorte d’admiration :
    – Avez-vous
donc lu les grands auteurs hellènes ?
    – Et
latins aussi, Votre Sainteté. Ils font partie de l’éducation normale des
Florentines de haut rang. En outre, mon père était un lettré en même temps qu’un
bibliophile averti. Sa collection de livres était... presque aussi importante
que celle du palais Médicis.
    – Vraiment ?
Et... qu’est-elle devenue ?
    – Qu’advient-il
des richesses d’un palais quand il est livré au pillage puis à l’incendie ?
    – C’est
grand dommage en vérité ! Oui... grand dommage ! Et vous n’avez
jamais pu savoir...
    C’était
plus que Fiora n’en pouvait supporter calmement. Non seulement elle n’était pas
venue pour causer littérature mais, en outre, le ton de naïve désolation qu’affectait
le pape lui semblait un comble d’hypocrisie. Elle se releva comme si un ressort
l’avait mise debout :
    – Où
ils sont allés ? C’est à Hieronyma

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