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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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pas montré de la
journée n’avait aucune raison de se coucher et Rome passait lentement d’une
sorte de clair-obscur aux ténèbres nocturnes qu’aucune étoile, certainement, ne
viendrait éclairer. L’air sentait la vase et les détritus de toutes sortes que
charriait le fleuve voisin. Quelques points lumineux s’allumaient de loin en
loin dans l’immensité grise sans rien enlever au côté sinistre que revêtait ce
soir la Ville Éternelle sous le hérissement de ses campaniles et de ses tours
de guet.
    Soudain,
Fiora pensa à un détail qu’elle avait oublié. Elle referma la fenêtre, alla s’accroupir
devant la cheminée où le feu se mourait faute d’avoir été alimenté et alluma
deux chandelles à des braises encore rouges. Puis elle entra dans le cabinet de
bains qui possédait le luxe inouï d’une grande glace de Venise accrochée au
mur. Elle avait emporté avec elle son luminaire, de quoi se coiffer et, bien
entendu, sa brosse à long manche dont elle avait décidé que, de la nuit, elle
ne se séparerait pas.
    Une
fois là, elle libéra ses cheveux, les partagea en deux nattes qu’elle roula
autour de sa tête à la façon de Dona Juana. Elle terminait juste quand elle
entendit, dans la chambre, un bruit de vaisselle qui lui fit battre le cœur. En
même temps, un rai de lumière glissa sous la porte. Le moment était-il venu ?
    Assurant
fermement le manche d’ébène dans sa main, elle ouvrit la porte et sentit une
onde de joie l’envahir. Juana était là. Penchée sur le plateau qu’un esclave
avait dû monter jusque chez Fiora, elle disposait les mets puis, versant du vin
dans la coupe, elle le sirota voluptueusement avant de remplir de nouveau le
récipient. Toute à son plaisir, elle n’entendit pas venir Fiora.
    Celle-ci
n’hésita même pas. Brandissant son arme improvisée, elle l’abattit de toutes
ses forces sur la tête de la duègne qui s’effondra sans un cri. Ce fut si
soudain, qu’un peu inquiète elle s’accroupit près de la longue forme noire et
inerte, craignant de l’avoir tuée. Cette crainte était l’unique raison pour
laquelle Fiora avait choisi la brosse d’ébène plutôt que le tisonnier de
bronze. Elle fut vite rassurée. Les cheveux avaient amorti le choc et Juana s’en
tirerait avec une grosse bosse. A présent, il n’y avait plus de temps à perdre.
    Aiguillonnée
par la hâte, Fiora déshabilla la vieille fille qu’elle ligota ensuite avec les
liens qu’elle avait confectionnés. Puis elle lui fourra dans la bouche un
mouchoir qu’elle assujettit avec une écharpe de soie. Enfin, elle la tira par les
pieds dans le cabinet de bains où elle l’abandonna sur le tapis avant de
refermer la porte à clef. En admettant que Juana réussît à se libérer, il
faudrait un moment avant que l’on vînt à son secours, la petite salle n’ayant
pas de fenêtre, mais seulement des bouches d’aération.
    La
porte fermée, Fiora exhala un profond soupir de soulagement. Elle redoutait l’instant
d’attaquer Juana autant qu’elle le souhaitait, et le plus difficile était donc
accompli. Elle s’accorda un verre de vin pour se remettre, puis se hâta d’enfiler
les habits de la duègne. Ils étaient un peu grands, mais elle remonta les jupes
dans la ceinture de cuir qu’elle serra au maximum, sans oublier, bien sûr, les
clefs qui y étaient pendues. Puis elle agrafa le voile de mousseline noire sur
sa tête et n’hésita pas une seconde à passer autour de son cou la lourde chaîne
d’or dont Juana était si fière. Comme elle ne possédait pas un denier, cette
chaîne, vendue par morceaux, lui permettrait de manger au long du chemin et,
peut-être, d’acheter une mule.
    Une
bonne surprise lui était réservée : les souliers de la duègne, de
vigoureuses chaussures de cuir solide, étaient comme les vêtements, un peu trop
grandes mais, en y glissant de petits tampons de linge pour les raccourcir,
elle s’y sentit parfaitement bien. Évidemment, l’odeur des habits qu’elle avait
endossés n’était pas très agréable. Juana aimait les parfums lourds. Cela
sentait l’encens, l’œillet poivré et l’huile d’olive, mais Fiora pensa que la
liberté n’avait pas de prix. Enfin, après un dernier regard à cette chambre
dont elle avait cru ne jamais sortir, elle ouvrit la porte et se glissa
au-dehors. Et ce fut avec un vif plaisir qu’elle tourna trois fois la grosse
clef dans la serrure. A présent, il s’agissait de sortir du

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