Fiora et le roi de France
corneilles dans un champ et lança-t-elle son
cheval au galop. Par-dessus le moutonnement vert des arbres, elle apercevait
les toits d’ardoise et la poivrière qui couvrait la tourelle d’escalier. Sans
ralentir, elle embouqua l’allée creuse bordée de chênes moussus, et c’est
seulement en vue de « sa » porte qu’elle retint son cheval qui battit
l’air des antérieurs.
– Léonarde !
Péronnelle ! Khatoun ! Etienne ! .., Nous voici !
Personne
ne répondit...
Et
puis, tout à coup, surgissant de la cuisine, Péronnelle apparut et courut vers
les arrivants en criant, et en pleurant :
– Sauvez-vous !
Pour l’amour de Dieu, sauvez-vous ! Ne vous laissez pas prendre !
Fiora
ni Florent n’eurent le temps de lui poser la moindre question : deux
archers de la prévôté sortaient sur ses pas, cherchant à la rattraper. Ils
appelèrent et deux autres soldats apparurent, venant de derrière la maison.
Bondissant à la tête des chevaux, ils s’emparèrent des brides en dépit des
efforts des deux voyageurs pour les en empêcher.
– Qu’est-ce
que cela veut dire ? cria Fiora furieuse. Que me voulez-vous ?
Les
soldats avaient réussi à reprendre Péronnelle qu’ils traînaient, sanglotante et
poussant des cris inarticulés, plus qu’ils ne l’emmenaient.
– Cela
veut dire que vous êtes arrêtée... fit une voix dans laquelle Fiora crut
entendre sonner toutes les joies du triomphe.
En
effet, et même si, sur le moment, elle n’en crut pas ses yeux, c’était bien
Olivier le Daim qui, suivi d’un sergent, venait de franchir la gracieuse porte
cintrée et s’approchait sans se presser de Fiora. Deux archers, après lui avoir
fait mettre pied à terre sans trop de douceur, la maintenaient debout entre
eux.
– Arrêtée ?
Moi ? Mais pourquoi ? s’écria la jeune femme.
– Notre
sire le roi vous l’expliquera... peut-être. Moi, je peux seulement vous dire
que votre cas est grave... et qu’il s’agit au moins de trahison...
– Où
est mon fils ? Où sont Dame Léonarde et Khatoun ?
– En
lieu sûr, soyez sans crainte ! Et fort bien traités...
– Et
moi, s’écria Florent qui essayait vainement de dégager Fiora. Suis-je arrêté
aussi ?
– Toi ?
fit le barbier royal avec dédain. Toi, tu n’es rien... qu’un valet. Va te faire
pendre ailleurs...
– Jamais !
Jamais je ne quitterai donna Fiora et si vous voulez l’emmener, vous m’emmènerez
avec elle.
– Sergent !
soupira le Daim en se donnant l’air accablé du grand seigneur que l’on
importune. Débarrassez-nous de ce garçon ! Attachez-le dans l’écurie en
attendant de voir ce que nous en ferons...
Tandis
que l’on entraînait le jeune homme qui opposait une vigoureuse défense, Fiora,
les mains liées, se retrouva encadrée par les archers. Le coup qui la frappait
était si brutal qu’elle ne songeait même pas à opposer une quelconque
résistance, mais elle s’accorda le plaisir de toiser dédaigneusement le petit
homme chafouin et noir qui exultait de façon éhontée :
– Vous
avez eu ce que vous vouliez, n’est-ce pas ? Si je comprends bien, vous
voilà installé dans ma maison ?
– Votre
maison ? Le roi a toujours le droit de reprendre ce qu’il donne quand on
trahit sa confiance.
– Parce
que vous, vous ne la trahissez pas ?
– Pas
vraiment... non. Si cette nouvelle peut vous faire plaisir, je ne suis pas
encore installé et je le regrette, car la maison est vraiment charmante. Et
meublée avec tant de goût ! J’étais seulement venu faire un tour, mais
soyez sûre que mon entrée définitive ne saurait tarder...
– Ne
vous réjouissez pas trop vite ! C’est toujours une mauvaise affaire que
vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Ceci dit, où me conduit-on ?
A Loches ?
– Non,
hélas ! Je l’aurais préféré, mais le roi a ordonné que l’on s’assure de
vous dès votre arrivée et que l’on vous conduise à la prison du Plessis. Je
crois qu’il préfère vous avoir sous la main...
Une
brusque angoisse serra le cœur de Fiora et abattit un peu son orgueil :
– Puisque
vous pensez avoir gagné, vous pourriez au moins vous montrer, sinon généreux,
du moins humain et me dire où est mon fils ? Vous devez comprendre que je
m’inquiète ?
– Vraiment ? Vous
ne vous en occupez guère, pourtant ? Pas plus d ’ailleurs que de
votre fille...
Fiora
réussit à ne pas accuser le coup, mais il avait fait
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