Fiora et le Téméraire
plus
devant ta porte que deux paquets inertes et tu ne m’échapperas pas.
– Pourquoi
voulez-vous me tuer ? Que vous ai-je fait ? -Je veux te tuer pour
être sûr que Campobasso ne retournera plus jamais dans ton lit. Avant toi, je
régnais sur lui. Il aimait mes baisers et mes caresses et puis, tu es venue...
A présent, quand nous faisons l’amour, son esprit est absent et ça je ne peux
pas le supporter.
Virginio
se détendit soudain comme un ressort et fondit sur Fiora, la dague haute. De
toutes ses forces, celle-ci hurla :
– A l’aide ! A moi ! ... Au secours !
...
Elle
tendait toutes ses forces pour écarter la lame meurtrière mais le page était
grand pour son âge et bien entraîné alors que la claustration avait ôté à Fiora
une partie de ses moyens. Il allait avoir le dessus et, dans une seconde, l’arme
s’enfoncerait dans sa gorge. Elle ferma les yeux appelant encore à l’aide.
– J’arrive !
cria une voix qui lui parut celle même d’un ange.
Virginio
fut arraché d’elle, désarmé, jeté à terre et bientôt il se tordit sous le genou
vigoureux qui coinçait sa poitrine.
– Un
peu jeune, l’ami, pour faire un assassin ! dit Esteban mais, apparemment,
la valeur n’attend pas le nombre des années. Et maintenant qu’est-ce qu’on va
faire de toi ?
– S’il
vous plaît, messire, tenez-le-moi et prêtez-moi votre dague que je lui règle
son compte, fit Battista qui apparaissait en chemise, couvert de boue et se
frottant la tête où se gonflait une énorme bosse. Cette brute m’a assommé,
dépouillé de mes vêtements et de mon plateau et, si j’ai bien compris, il a mis
aussi les gardes hors d’état de servir ?
– Vous
êtes dans le vrai. Mais si vous voulez m’en croire, vous feriez mieux d’aller
chercher du secours... Je peux très bien tenir encore quelque temps. Je ne
fatigue pas.
– Vous
devez avoir raison. On ne peut pas étouffer l’affaire surtout quand on s’en
prend aux soldats de monseigneur... et à son otage préféré. Le duc nous a tous
rendus responsables de donna Fiora sur nos têtes...
Et
Battista, s’enveloppant dans la couverture que lui tendait Fiora, repartit en
courant et en appelant « A la
garde ! ». Cependant, la jeune femme qui n’avait pas encore bien
retrouvé ses esprits vint s’accroupir auprès d’Esteban qui maintenait toujours
Virginio à terre en lui pointant une dague sur la gorge et considéra non sans
stupeur la cotte verte à croix de Saint-André blanche serrée par un ceinturon
sur une chemise de mailles, la longue épée qui pendait à son côté et le chapel
de fer qui avait roulé à terre quand il s’était jeté sur le page.
– Esteban !
soupira-t-elle. Mais c’est un miracle ! Vous voilà bourguignon à présent ?
– C’est
tout récent, donna Fiora ! fit-il avec un sourire aussi paisible que s’ils
s’étaient quittés la veille. Mais je n’en ferai pas moins un bon soldat,
ajouta-t-il avec un clin d’œil qui conseillait la prudence. Vous allez bien
depuis notre dernière rencontre ? C’était... en Avignon, je crois ? Quant
à moi, en faisant une ronde, j’ai vu ce gredin qui assommait un page, lui
volait ses habits et son plateau, revêtait l’un et prenait l’autre et je l’ai
suivi pour voir ce qu’il comptait faire. J’ai vu... mais c’est une vraie chance
de vous rencontrer ! Si j’avais pu supposer que vous étiez là, en plein
milieu de ce camp ! ...
Fiora
avait compris à quoi rimait ce bavardage à bâtons rompus : même mis hors d’état
de nuire, Virginio restait dangereux car il avait malheureusement une langue de
vipère et savait s’en servir.
Ils
causèrent ainsi sur un ton superficiel et parfaitement irréaliste jusqu’à ce
que revînt Battista toujours aussi sale. Mais cette fois, La Marche en personne
l’accompagnait avec quelques-uns de ses gardes. Le garçon fut remis debout sans
douceur tandis que le Castillan faisait toute une affaire d’épousseter ses
genouillères. Le capitaine des gardes était visiblement furieux :
– De
soldats endormis, un page attaqué ! Qu’est-ce que cela signifie ? Et
d’abord qui es-tu ?
– Virginio
Fulgosi, sire capitaine. Je suis attaché à la personne de Mgr le comte de
Campobasso, fit le jeune prisonnier qui visiblement reprenait son aplomb. C’est
sur son ordre que je suis venu ici... Cette... cette femme avait fait tenir à
mon maître un billet le suppliant de la faire
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