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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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allé
jusqu’à souiller les aigles d’argent de vos armes en épousant l’enfant de l’inceste
et de l’adultère, la fille de Marie de Brévailles. Vous n’aviez plus besoin de
mourir comme vous l’aviez annoncé emphatiquement à mon père... et d’ailleurs,
je suis bien obligée de constater que vous n’êtes pas mort !
    – Et
vous me le reprochez ? Vous me haïssez à ce point ?
    – Décidément,
vous n’avez rien compris...
    L’une
des broderies dorées que l’on avait tendues sur les murs de l’oratoire venait
de se soulever sous la main du Téméraire qui s’avança vers Fiora, trop surprise
par cette soudaine apparition pour songer au moindre salut. Philippe, lui,
était devenu très rouge et voulut s’approcher de son maître mais celui-ci l’écarta
d’un geste.
    – Va-t’en
Philippe ! Et songe à te confesser avant d’affronter Campobasso ! Je
te verrai plus tard...
    – Monseigneur !
Il faut que je vous dise... que je vous explique...
    – Il
n’y a rien à expliquer. J’ai tout compris. Laisse-moi avec elle !
    Avec un
dernier regard à Fiora, Philippe baissa la tête et quitta la chapelle dont les
dalles résonnaient sous ses solerets d’acier sans que le duc eût seulement
tourné les yeux vers lui. Charles fixait la jeune femme avec l’expression de
qui vient de trouver la solution d’un problème difficile. Il vint jusqu’à elle
et, avec des gestes d’une grande douceur, ôta les longues épingles qui
maintenaient sa coiffure. Quand les lourds cheveux retombèrent le long du cou
mince, il recula de quelques pas :
    – Jean
de Brévailles ! Je savais bien que ce visage appartenait à mon passé mais
je ne le croyais pas si lointain ! Cela fait combien d’années ?
    – Que
vous avez refusé leur vie à une mère désespérée ? Dix-huit dans quelques
jours. Je suis née très peu de temps avant leur mort. Ce qui m’étonne, c’est
que vous en ayez conservé le souvenir ?
    – Cela
est, pourtant. Je l’aimais bien avant que la pure image de ce garçon fier et
beau ne s’abîme dans la honte et le déshonneur...
    – Pourquoi,
monseigneur, n’ajoutez-vous pas, dans le sang, celui que vos bourreaux ont fait
couler sur ce vieil échafaud que j’ai vu à Dijon ? Encore n’était-ce pas
assez : il fallait aussi la boue, l’ordure, l’ignoble tombe où par votre
ordre on les a jetés et où j’ai failli mourir...
    – L’ordre
venait de mon père, pas de moi.
    – Mais
vous n’avez rien fait pour y changer quoi que ce soit ! Si un homme, un de
ces marchands que Votre Seigneurie dédaigne si hautement ne s’était trouvé là
pour exercer cette pitié qui aurait dû être le fait du prince, je me serais
dissoute au fond du même cloaque. Cet homme m’a recueillie, nourrie, éduquée,
aimée... Il a voulu faire de moi sa fille et, ce dernier printemps, il en est
mort après avoir été obligé de me marier à messire de Selongey qui avait percé
son secret...
    Le visage
brun du prince devint couleur de brique et son regard s’enflamma :
    – Ne
me dites pas que Philippe, la loyauté, la droiture, l’honneur mêmes, que
Philippe, chevalier de la Toison d’or a osé employer pareil moyen ? ...
    – Pour
vous rapporter l’argent que lui avait refusé Lorenzo de Médicis, il eût été
capable de pis encore. Il vous est attaché corps et âme, même si cela me
déchire le cœur de le reconnaître. Et vous savez à présent pourquoi il n’a
voulu de moi qu’une nuit, pourquoi je devais couler ma vie entière à Florence
sans jamais paraître en Bourgogne, afin que nul ici n’apprenne qu’il avait été
jusqu’à souiller son nom en épousant la fille des Brévailles, et vous moins
encore que quiconque... vous, son véritable dieu !
    – Taisez-vous !
Par saint Georges, je vous ordonne de vous taire !
    Les
mains sur les oreilles, le duc alla s’effondrer sur l’une des deux chaires
armoriées qui se faisaient vis-à-vis dans le chœur. Il resta là un moment,
respirant difficilement comme un homme qui étouffe et ouvrant d’un geste
brusque le col de sa longue robe fourrée de martre. Il ferma les yeux puis,
quand le souffle devint plus régulier, il darda son regard noir sur Fiora :
    – Vous
avez admis tout à l’heure que vous me détestiez. Le mot était faible n’est-ce
pas ? Vous me haïssez ? ... et c’est pour me nuire que vous avez
séduit Campobasso ?
    – Au
point où nous en sommes, monseigneur, il serait

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