Fiora et le Téméraire
ce soir, elle verrait le Téméraire et
ainsi, l’une courant et l’autre presque à bout de souffle ou peu s’en fallait,
ils parvinrent jusqu’à l’antichambre où veillaient une demi-douzaine de gardes.
Olivier de La Marche s’y promenait en compagnie du valet de chambre du duc,
Charles de Visen. L’entrée tumultueuse de la jeune femme les arrêta :
– Annoncez-moi
à monseigneur ! ordonna-t-elle aussi sèchement que si elle se fût adressée
à un serviteur. Je veux le voir !
– C’est
impossible, fit La Marche. Monseigneur est en conférence avec l’ambassadeur de
Milan et vous n’avez rien à faire ici ! Gardes, ramenez cette femme chez
elle !
– Ne
me touchez pas ! cria Fiora. Il est urgent que je le voie : il y va
de la vie d’un homme !
– Et
moi je vous dis...
– Qu’est-ce
que c’est ? Quel est ce bruit ?
La
porte venait de s’ouvrir sous la main du Téméraire. Il embrassa la scène d’un
coup d’œil, vit Fiora qui se débattait aux mains des soldats et le légat qui
faisait de dérisoires efforts pour la raisonner :
– Encore
vous ! fit-il. Vous forcez ma porte à présent ? Je croyais, éminence,
que vous répondiez de cette folle ?
– Je
ne peux répondre des élans du cœur, fit Nanni avec un soupir. Et donna Fiora
est très, très émue...
– Eh
bien, voyons cette émotion ! Entrez, tous les deux ! Sans un regard
pour la vaste pièce dont les domestiques de Charles avaient fait une splendeur
d’or et de pourpre ordonnée autour d’une admirable tapisserie où des milliers
de fleurs cernaient les armes de Bourgogne, ni pour l’élégant personnage qui se
tenait debout auprès d’un dressoir orné de deux statues d’or, Fiora dès le
seuil offrit au duc une profonde révérence :
– Monseigneur,
pria-t-elle, je viens d’apprendre que le duel doit avoir lieu demain. Je
supplie Votre Seigneurie de l’empêcher...
– Une
rencontre où l’honneur de deux chevaliers est engagé ? Il faut être une
fille de marchands pour songer à cela...
– Il
faut être surtout une femme soucieuse de justice... et une femme qui aime.
Messire de Selongey est blessé : le combat ne sera pas égal.
– Vous
savez cela aussi ? Pour quelqu’un que j’ai mis au secret, vous n’ignorez
apparemment rien de ce qui se passe dans mon armée ? fit le duc avec l’ombre
d’un sourire qui emplit d’espérance le cœur de la jeune femme. Rassurez-vous,
la blessure de Selongey est bénigne.
– Mais
c’est un combat à outrance !
– Et
alors ?
Les
jambes de Fiora se dérobèrent sous elle ; elle tomba à genoux et cacha son
visage dans ses mains :
– Par
pitié, monseigneur ! ... Faites de moi ce que vous voulez, jetez-moi en
prison, livrez-moi au bourreau mais empêchez cette horreur ! Je ne veux
pas le voir mourir !
Il y
eut un silence que troublait seulement le bruit de la respiration de la jeune
femme. Mgr Nanni se penchait déjà vers elle pour la réconforter mais le duc l’arrêta
d’un geste puis, lentement, il vint à Fiora :
– Vous
l’aimez à ce point ? ... Alors pourquoi Campobasso ?
– Par
vengeance... et pour le détacher de vous... de vous pour le service duquel
Philippe est toujours prêt à tout sacrifier. Il n’a voulu de moi qu’une fortune
pour vos armes... et une seule nuit.
Il se
pencha, prit les deux mains qu’elle gardait obstinément devant son visage et l’obligea
doucement à se relever :
– Vous
me détestez, n’est-ce pas ? Elle n’hésita qu’à peine et répondit, ses yeux
gris dans les yeux noirs du prince : -Oui... Sans vous, je serais heureuse !
– Sans
moi, vous ne le connaîtriez même pas. Que serait-il allé faire à Florence ?
Rentrez chez vous, à présent, et priez Dieu ! Je sais que vous semblez
décidée à vous passer de son secours mais Mgr Nanni réussira peut-être à vous
convaincre de vous tourner vers Lui. Il arrive qu’il exauce les prières...
Quant au duel, je n’ai même pas la possibilité de le retarder : aucun des
adversaires n’y consentirait...
Guidée
par le légat qui avait pris son bras, elle se dirigeait vers la porte mais,
avant de la franchir, elle se retourna :
– Ne
pourrais-je au moins... lui parler ?
– S’il
y consent, je ne m’y opposerai pas. Dois-je aussi accorder permission à
Campobasso qui ne cesse de réclamer un instant d’entretien avec vous ?
– S’il
vous plaît, monseigneur... à aucun prix ! Je
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